L'accusateur public et le tonnelier
Jean Fauvaud dit Bertrand
Vous donnons ci-dessous le jugement tout entier de ce condamné; c'est le seul document que nous possédions, mais il est complet. Quant au dossier, il nous a été impossible de le retrouver aux archives du greffe d'Angoulême, il est égaré; mais il existe une note d'audience du président Léridon, qui constate le jugement de Fauvaud, sur le premier registre du tribunal criminel, sans dire la cause de sa condamnation. Nous avions donc renoncé à donner une notice sur ce malheureux, lorsque, dans un récent voyage à Paris, on nous signala, aux Archives de l'Empire, l'existence de cartons spéciaux contenant la plupart des jugements des tribunaux criminels des départements, et là nous avons trouvé trois exemplaires du jugement de Fauvaud, savoir : une expédition à la main signée par le président et le greffier, deux affiches imprimées et certifiées par le greffier. C'étaient les pièces expédiées par le tribunal criminel de la Charente au ministre de la justice. Nous pouvons donc certifier et garantir l'authenticité de cette pièce, remarquable à plusieurs titres.
Jugement en dernier ressort et sans recours au tribunal de cassation, rendu par le tribunal criminel du département de la Charente, séant à Angoulême, qui condamne Jean Fauvaud, dit Bertrand, de la commune de Mazerolle, district de La Rochefoucauld, à mort, convaincu d'avoir proposé et provoqué le rétablissement de la royauté. Du 24 brumaire l'an second de la République française, une et indivisible.
« Au nom de la République française, à tous et à venir, salut.
« Le tribunal criminel du département de la Charente a rendu le jugement suivant: «
« Vu par le tribunal criminel du département de la Charente, séant à Angoulême, l'acte d'accusation dressé par l'accusateur public près le tribunal criminel du département de la Charente, contre Jean Fauvaud, accusé d'avoir tenu des propos contrerévolutionnaires tendant au rétablissement de la royauté, dont la teneur suit :
« Pierre Mallet, accusateur public près le tribunal criminel du département de la Charente, autorisé par les lois des 7 et 9 avril dernier à poursuivre et faire juger sur la réquisition des corps administratifs, et sans recours au tribunal de cassation, les prévenus de provocation au rétablissement de la royauté,
« Expose que le citoyen Jean Fauvaud, dit Bertrand, tonnelier, de la commune de Mazerolle, district de La Rochefoucauld, aurait été arrêté et conduit à la maison de justice, en vertu des délibérations du comité de surveillance établi à La Rochefoucauld et du citoyen Harmand, commissaire de la Convention nationale en ce département, des 14 et 15 du présent mois, portant que ledit Fauvaud, dit Bertrand, serait traduit au tribunal révolutionnaire, comme prévenu d'avoir tenu différents propos tendant au rétablissement de la royauté.
« Qu'aussitôt l'arrivée dudit Fauvaud en la maison de justice, il a été entendu sur les causes de sa détention et de son arrestation; qu'examen fait des pièces relatives au délit dont est prévenu ledit Fauvaud, et notamment du procès-verbal dressé par la municipalité de Mazerolle, le 1er octobre dernier (vieux style), transmis à l'accusateur public, il en résulte que ledit Fauvaud aurait manifesté, dès le 14 juillet dernier, sa haine et son mépris pour cette Constitution nouvelle que la Convention nationale a rédigée pour le bonheur des Français, et pour leur assurer cette liberté si désirée dont ils étaient privés depuis tant de siècles; que ledit Fauvaud, non content de blâmer ceux des citoyens qui l'avaient acceptée, les aurait menacés qu'ils s'en repentiraient, ce qui indiquait évidemment que ledit Fauvaud était dès lors le complice et l'agent d'une faction qui projetait d'anéantir la liberté et l'égalité et rappeler toutes les horreurs de l'ancien régime; que ces sentiments se sont soutenus dans le caur dudit Fauvaud jusqu'audit jour 1er octobre dernier, où il les a fait éclater bien plus évidemment encore en provoquant expressément le rétablissement de la royauté, puisqu'il se serait permis de dire aux officiers municipaux de la commune de Mazerolle, chargés de faire exécuter la loi relative à la réquisition des jeunes gens de la première classe, et qui lui demandaient d'engager son fils à se réunir aux autres jeunes citoyens pour marcher à la défense de la patrie. qu'ils étaient des bougres (sic), qu'ils ne voulaient pas de roi, et que puisqu'ils voulaient la Constitution, ils n'avaient qu'à aller la soutenir. Si vous aviez voulu nommer un roi, les choses seraient finies; mais puisque vous ne l'avez pas voulu, mon fils ne partira pas d'ici; et si vous voulez absolument le faire partir, il faudra le tuer sur la place. Menaçant même les officiers municipaux, s'ils insistaient, d'aller dans sa maison prendre une serpe ou volant pour leur couper les bras.
« Que ledit Fauvaud, dans son interrogatoire, a dénié d'avoir tenu aucun des propos qui lui sont imputés; est seulement convenu d'avoir dit, parce qu'il l'avait entendu dire à plusieurs autres personnes, que la loi n'exigeait point que les pauvres fussent se battre contre les rebelles de la Vendée, que c'était aux riches à y aller; qu'il ne connaissait point la loi; qu'il est allé au chef-lieu du canton accepter la Constitution, qu'il s'y enivra, et qu'il n'a pas d'idée d'avoir tenu à son retour les propos insérés dans le procès-verbal des officiers municipaux.
« D'après l'exposé ci-dessus, l'accusateur public å dressé le présent acte d'accusation contre ledit Jean Fauvaud, dit Bertrand, père, tonnelier, pour avoir, méchamment et à dessein, le 14 juillet dernier, manifesté de la haine et du mépris pour la Constitution, annoncé par ses menaces et ses propos le désir et l'intention de renverser l'édifice sublime de la liberté du peuple français, et notamment pour avoir, le 1er octobre dernier, en persévérant dans ses sentiments perfides, provoqué directement et expressément le rétablissement de la royauté en France, menaçant d'attenter à l'existence des officiers municipaux qui étaient allés requérir son fils pour marcher à la défense de la patrie, disant que son fils n'irait pas, qu'ils étaient des b...... qui ne voulaient pas de roi; que c'était à ceux qui n'en voulaient pas et qui avaient accepté la Constitution i aller soutenir cette Constitution.
« En conséquence, requiert l'accusateur public qu'il lui soit donné acte de la présente accusation par le tribunal assemblé; qu'il soit ordonné que, par l'huissier porteur de l'ordonnance à intervenir, ledit Fauvaud sera pris au corps et écroué sur les registres de la maison de justice ; qu'il sera permis à l'accusateur public de faire entendre tels témoins qu'il pourra découvrir à l'appui de l'accusation, et notamment les officiers municipaux rédacteurs du procès-verbal dudit jour 1er octobre, attendu que la signature de ces officiers n'est pas légalement certifiée, et ce le jour qu'il sera indiqué par le jugement; qu'il soit ordonné en outre que la présente accusation sera notifiée tant à l'accusé qu'à la municipalité d'Angoulême.
« Fait à Angoulême, le 20 brumaire, l'an deuxième de la République française, une et indivisible.
« Signé : Mallet. »
Au bas duquel jugement est l'ordonnance du tribunal qui donne acte à l'accusateur public dudit acte d'accusation, ordonne que l'accusé sera écroué, et indique l'audience de ce jour pour être définitivement fait droit sur ladite accusation :
« Le tribunal, après avoir ouï l'accusateur public, considérant : 1° qu'il résulte de la déposition d'un des témoins que, dans une circonstance où la municipalité de Mazerolle rassemblait les citoyens et les exhortait à la défense de la République, l'accusé dit que si tout le monde pensait comme lui, elle n'aurait pas lieu, et que dans une occasion antérieure il avait dit au même témoin que celui-ci ferait bien de donner sa démission d'officier municipal, qu'il ne ferait pas bon à la municipalité;
« 2° Qu'il résulte de la déposition d'un autre témoin que le matin du jour où la commune se rassembla au canton, à Montembeuf, pour y accepter la Constitution républicaine, l'accusé dit dans un cabaret qu'il se rendait à l'assemblée pour y nommer un roi;
« 3° Qu'il est prouvé par la déposition orale et uniforme de deux témoins que le même jour, revenant de Montembœuf, l'accusé dit aux témoins qu'il n'avait point accepté la Constitution, parce qu'il ne la voulait pas, et qu'eux se repentiraient de l'acceptation qu'ils avaient faite;
« 4° Qu'il est constant par la déposition orale et uniforme de trois témoins qui réclamaient, comme officiers municipaux, le départ du fils de l'accusé dans le cas de la première réquisition, le 1er octobre dernier (vieux style), que ledit Fauvaud a dit que ceux qui avaient accepté la Constitution devaient aller la défendre, que son fils n'irait pas, qu'il faudrait plutôt le tuer, et que si l'on eût voulu nommer un roi, les choses seraient finies; qu'il a même fait des menaces auxdits officiers municipaux de leur abattre les bras;
« Le tribunal, par jugement en dernier ressort et sans recours au tribunal de cassation, conformément à l'article 3 de la loi du 19 mars dernier, dont il a été fait lecture, lequel est ainsi conçu : « Le fait demeurera constant soit par un procès-verbal revêtu de deux signatures, soit par un procès-verbal revêtu d'une seule signature confirmée par la déposition d'un témoin, soit par la déposition orale et uniforme de deux témoins, » déclare ledit Fauvaud, dit Bertrand, convaincu d'avoir proposé et provoqué le rétablissement de la royauté;
« En conséquence, le condamne à la peine de mort, conformément à la loi du 4 décembre dernier et aux articles fer et 3 de la loi du 9 avril dernier, desquels il a été fait lecture et sont ainsi conçus :
« Art. 1er de la loi du 9 avril. La Convention nationale met au nombre des tentatives contre-révolutionnaires la provocation au rétablissement de la royauté. »
« Art. 3. Les tribunaux criminels de tous les départements de la République sont également chargés de poursuivre et faire juger les mêmes délits dans les mêmes formes et d'après la même loi et celles précédentes auxquelles il n'est pas dérogé. »
« Déclare les biens dudit Fauvaud confisqués au profit de la République, conformément à l'article 7 de la loi dudit jour 19 mars dernier, dont il a été fait lecture, lequel est ainsi conçu :
« Art. 7. La peine de mort prononcée dans les « cas déterminés par la loi emportera la confiscation des biens. Il sera pourvu sur les biens confisqués à la subsistance des père, mère, femme et enfants qui n'auraient pas d'ailleurs des biens suffisants pour leur nourriture et entretien. »
« Ordonne que ledit Fauvaud sera dans les vingt-quatre heures livré à l'exécuteur des jugements criminels.
« Et sera le présent jugement imprimé, publié et affiché dans l'étendue de ce département.
« Fait et prononcé à Angoulème, le 24 brumaire, l'an second de la République française, une et indivisible, en l'audience du tribunal criminel du département de la Charente, où siégeaient les citoyens Léridon, président; Mourou, Gautier et Mallet, juges, qui ont signé la minute dudit jugement.
« Signé : Léridon, président.
« Mourou, Gautier, Mallet, juges.
Pour expédition :
« Signé: Léridon, président; Thibaud, greffier. »
A Angoulême, chez les citoyens P. Broquisse et L. Marvaud, imprimeurs du département, rue Saint-François. — 1793.
Cette affaire porte avec elle sa réprobation. Il est impossible de ne pas improuver une telle condamnation, même avec les lois exorbitantes de l'époque. Fauvaud a peut-être bien tenu des propos favorables à la royauté, mais il n'a fait aucune action tendant au rétablissement de la royauté.
Extrait du registre du greffer du tribunal criminel du département de la Charente
« Appert que par l'interrogatoire subi devant ledit Tribunal par Jean Fauvaud, tonnelier, accusé d'avoir tenu des propos tendant au rétablissement de la royauté, et condamné à mort par jugement du 24 brumaire, il a répondu aux interpellations qui lui ont été faites sur ses moyens d'existence et la consistance de ses biens, qu'il était tonnelier de profession et qu'il n'avait d'autre faculté pour faire subsister sa famille, et qu'il était même à loyer de maison de Pierre Baud, de la commune de Mazerolle, district de la Rochefoucauld. »
Pour expédition : Thibaud, greffier. (Archives de l'Empire.)
Source : Les victimes de La Terreur du départment de la Charente, de Claude Gigon.
Vous donnons ci-dessous le jugement tout entier de ce condamné; c'est le seul document que nous possédions, mais il est complet. Quant au dossier, il nous a été impossible de le retrouver aux archives du greffe d'Angoulême, il est égaré; mais il existe une note d'audience du président Léridon, qui constate le jugement de Fauvaud, sur le premier registre du tribunal criminel, sans dire la cause de sa condamnation. Nous avions donc renoncé à donner une notice sur ce malheureux, lorsque, dans un récent voyage à Paris, on nous signala, aux Archives de l'Empire, l'existence de cartons spéciaux contenant la plupart des jugements des tribunaux criminels des départements, et là nous avons trouvé trois exemplaires du jugement de Fauvaud, savoir : une expédition à la main signée par le président et le greffier, deux affiches imprimées et certifiées par le greffier. C'étaient les pièces expédiées par le tribunal criminel de la Charente au ministre de la justice. Nous pouvons donc certifier et garantir l'authenticité de cette pièce, remarquable à plusieurs titres.
Jugement en dernier ressort et sans recours au tribunal de cassation, rendu par le tribunal criminel du département de la Charente, séant à Angoulême, qui condamne Jean Fauvaud, dit Bertrand, de la commune de Mazerolle, district de La Rochefoucauld, à mort, convaincu d'avoir proposé et provoqué le rétablissement de la royauté. Du 24 brumaire l'an second de la République française, une et indivisible.
« Au nom de la République française, à tous et à venir, salut.
« Le tribunal criminel du département de la Charente a rendu le jugement suivant: «
« Vu par le tribunal criminel du département de la Charente, séant à Angoulême, l'acte d'accusation dressé par l'accusateur public près le tribunal criminel du département de la Charente, contre Jean Fauvaud, accusé d'avoir tenu des propos contrerévolutionnaires tendant au rétablissement de la royauté, dont la teneur suit :
« Pierre Mallet, accusateur public près le tribunal criminel du département de la Charente, autorisé par les lois des 7 et 9 avril dernier à poursuivre et faire juger sur la réquisition des corps administratifs, et sans recours au tribunal de cassation, les prévenus de provocation au rétablissement de la royauté,
« Expose que le citoyen Jean Fauvaud, dit Bertrand, tonnelier, de la commune de Mazerolle, district de La Rochefoucauld, aurait été arrêté et conduit à la maison de justice, en vertu des délibérations du comité de surveillance établi à La Rochefoucauld et du citoyen Harmand, commissaire de la Convention nationale en ce département, des 14 et 15 du présent mois, portant que ledit Fauvaud, dit Bertrand, serait traduit au tribunal révolutionnaire, comme prévenu d'avoir tenu différents propos tendant au rétablissement de la royauté.
« Qu'aussitôt l'arrivée dudit Fauvaud en la maison de justice, il a été entendu sur les causes de sa détention et de son arrestation; qu'examen fait des pièces relatives au délit dont est prévenu ledit Fauvaud, et notamment du procès-verbal dressé par la municipalité de Mazerolle, le 1er octobre dernier (vieux style), transmis à l'accusateur public, il en résulte que ledit Fauvaud aurait manifesté, dès le 14 juillet dernier, sa haine et son mépris pour cette Constitution nouvelle que la Convention nationale a rédigée pour le bonheur des Français, et pour leur assurer cette liberté si désirée dont ils étaient privés depuis tant de siècles; que ledit Fauvaud, non content de blâmer ceux des citoyens qui l'avaient acceptée, les aurait menacés qu'ils s'en repentiraient, ce qui indiquait évidemment que ledit Fauvaud était dès lors le complice et l'agent d'une faction qui projetait d'anéantir la liberté et l'égalité et rappeler toutes les horreurs de l'ancien régime; que ces sentiments se sont soutenus dans le caur dudit Fauvaud jusqu'audit jour 1er octobre dernier, où il les a fait éclater bien plus évidemment encore en provoquant expressément le rétablissement de la royauté, puisqu'il se serait permis de dire aux officiers municipaux de la commune de Mazerolle, chargés de faire exécuter la loi relative à la réquisition des jeunes gens de la première classe, et qui lui demandaient d'engager son fils à se réunir aux autres jeunes citoyens pour marcher à la défense de la patrie. qu'ils étaient des bougres (sic), qu'ils ne voulaient pas de roi, et que puisqu'ils voulaient la Constitution, ils n'avaient qu'à aller la soutenir. Si vous aviez voulu nommer un roi, les choses seraient finies; mais puisque vous ne l'avez pas voulu, mon fils ne partira pas d'ici; et si vous voulez absolument le faire partir, il faudra le tuer sur la place. Menaçant même les officiers municipaux, s'ils insistaient, d'aller dans sa maison prendre une serpe ou volant pour leur couper les bras.
« Que ledit Fauvaud, dans son interrogatoire, a dénié d'avoir tenu aucun des propos qui lui sont imputés; est seulement convenu d'avoir dit, parce qu'il l'avait entendu dire à plusieurs autres personnes, que la loi n'exigeait point que les pauvres fussent se battre contre les rebelles de la Vendée, que c'était aux riches à y aller; qu'il ne connaissait point la loi; qu'il est allé au chef-lieu du canton accepter la Constitution, qu'il s'y enivra, et qu'il n'a pas d'idée d'avoir tenu à son retour les propos insérés dans le procès-verbal des officiers municipaux.
« D'après l'exposé ci-dessus, l'accusateur public å dressé le présent acte d'accusation contre ledit Jean Fauvaud, dit Bertrand, père, tonnelier, pour avoir, méchamment et à dessein, le 14 juillet dernier, manifesté de la haine et du mépris pour la Constitution, annoncé par ses menaces et ses propos le désir et l'intention de renverser l'édifice sublime de la liberté du peuple français, et notamment pour avoir, le 1er octobre dernier, en persévérant dans ses sentiments perfides, provoqué directement et expressément le rétablissement de la royauté en France, menaçant d'attenter à l'existence des officiers municipaux qui étaient allés requérir son fils pour marcher à la défense de la patrie, disant que son fils n'irait pas, qu'ils étaient des b...... qui ne voulaient pas de roi; que c'était à ceux qui n'en voulaient pas et qui avaient accepté la Constitution i aller soutenir cette Constitution.
« En conséquence, requiert l'accusateur public qu'il lui soit donné acte de la présente accusation par le tribunal assemblé; qu'il soit ordonné que, par l'huissier porteur de l'ordonnance à intervenir, ledit Fauvaud sera pris au corps et écroué sur les registres de la maison de justice ; qu'il sera permis à l'accusateur public de faire entendre tels témoins qu'il pourra découvrir à l'appui de l'accusation, et notamment les officiers municipaux rédacteurs du procès-verbal dudit jour 1er octobre, attendu que la signature de ces officiers n'est pas légalement certifiée, et ce le jour qu'il sera indiqué par le jugement; qu'il soit ordonné en outre que la présente accusation sera notifiée tant à l'accusé qu'à la municipalité d'Angoulême.
« Fait à Angoulême, le 20 brumaire, l'an deuxième de la République française, une et indivisible.
« Signé : Mallet. »
Au bas duquel jugement est l'ordonnance du tribunal qui donne acte à l'accusateur public dudit acte d'accusation, ordonne que l'accusé sera écroué, et indique l'audience de ce jour pour être définitivement fait droit sur ladite accusation :
« Le tribunal, après avoir ouï l'accusateur public, considérant : 1° qu'il résulte de la déposition d'un des témoins que, dans une circonstance où la municipalité de Mazerolle rassemblait les citoyens et les exhortait à la défense de la République, l'accusé dit que si tout le monde pensait comme lui, elle n'aurait pas lieu, et que dans une occasion antérieure il avait dit au même témoin que celui-ci ferait bien de donner sa démission d'officier municipal, qu'il ne ferait pas bon à la municipalité;
« 2° Qu'il résulte de la déposition d'un autre témoin que le matin du jour où la commune se rassembla au canton, à Montembeuf, pour y accepter la Constitution républicaine, l'accusé dit dans un cabaret qu'il se rendait à l'assemblée pour y nommer un roi;
« 3° Qu'il est prouvé par la déposition orale et uniforme de deux témoins que le même jour, revenant de Montembœuf, l'accusé dit aux témoins qu'il n'avait point accepté la Constitution, parce qu'il ne la voulait pas, et qu'eux se repentiraient de l'acceptation qu'ils avaient faite;
« 4° Qu'il est constant par la déposition orale et uniforme de trois témoins qui réclamaient, comme officiers municipaux, le départ du fils de l'accusé dans le cas de la première réquisition, le 1er octobre dernier (vieux style), que ledit Fauvaud a dit que ceux qui avaient accepté la Constitution devaient aller la défendre, que son fils n'irait pas, qu'il faudrait plutôt le tuer, et que si l'on eût voulu nommer un roi, les choses seraient finies; qu'il a même fait des menaces auxdits officiers municipaux de leur abattre les bras;
« Le tribunal, par jugement en dernier ressort et sans recours au tribunal de cassation, conformément à l'article 3 de la loi du 19 mars dernier, dont il a été fait lecture, lequel est ainsi conçu : « Le fait demeurera constant soit par un procès-verbal revêtu de deux signatures, soit par un procès-verbal revêtu d'une seule signature confirmée par la déposition d'un témoin, soit par la déposition orale et uniforme de deux témoins, » déclare ledit Fauvaud, dit Bertrand, convaincu d'avoir proposé et provoqué le rétablissement de la royauté;
« En conséquence, le condamne à la peine de mort, conformément à la loi du 4 décembre dernier et aux articles fer et 3 de la loi du 9 avril dernier, desquels il a été fait lecture et sont ainsi conçus :
« Art. 1er de la loi du 9 avril. La Convention nationale met au nombre des tentatives contre-révolutionnaires la provocation au rétablissement de la royauté. »
« Art. 3. Les tribunaux criminels de tous les départements de la République sont également chargés de poursuivre et faire juger les mêmes délits dans les mêmes formes et d'après la même loi et celles précédentes auxquelles il n'est pas dérogé. »
« Déclare les biens dudit Fauvaud confisqués au profit de la République, conformément à l'article 7 de la loi dudit jour 19 mars dernier, dont il a été fait lecture, lequel est ainsi conçu :
« Art. 7. La peine de mort prononcée dans les « cas déterminés par la loi emportera la confiscation des biens. Il sera pourvu sur les biens confisqués à la subsistance des père, mère, femme et enfants qui n'auraient pas d'ailleurs des biens suffisants pour leur nourriture et entretien. »
« Ordonne que ledit Fauvaud sera dans les vingt-quatre heures livré à l'exécuteur des jugements criminels.
« Et sera le présent jugement imprimé, publié et affiché dans l'étendue de ce département.
« Fait et prononcé à Angoulème, le 24 brumaire, l'an second de la République française, une et indivisible, en l'audience du tribunal criminel du département de la Charente, où siégeaient les citoyens Léridon, président; Mourou, Gautier et Mallet, juges, qui ont signé la minute dudit jugement.
« Signé : Léridon, président.
« Mourou, Gautier, Mallet, juges.
Pour expédition :
« Signé: Léridon, président; Thibaud, greffier. »
A Angoulême, chez les citoyens P. Broquisse et L. Marvaud, imprimeurs du département, rue Saint-François. — 1793.
Cette affaire porte avec elle sa réprobation. Il est impossible de ne pas improuver une telle condamnation, même avec les lois exorbitantes de l'époque. Fauvaud a peut-être bien tenu des propos favorables à la royauté, mais il n'a fait aucune action tendant au rétablissement de la royauté.
Extrait du registre du greffer du tribunal criminel du département de la Charente
« Appert que par l'interrogatoire subi devant ledit Tribunal par Jean Fauvaud, tonnelier, accusé d'avoir tenu des propos tendant au rétablissement de la royauté, et condamné à mort par jugement du 24 brumaire, il a répondu aux interpellations qui lui ont été faites sur ses moyens d'existence et la consistance de ses biens, qu'il était tonnelier de profession et qu'il n'avait d'autre faculté pour faire subsister sa famille, et qu'il était même à loyer de maison de Pierre Baud, de la commune de Mazerolle, district de la Rochefoucauld. »
Pour expédition : Thibaud, greffier. (Archives de l'Empire.)
Source : Les victimes de La Terreur du départment de la Charente, de Claude Gigon.