La cloche de Saint-Estèphe
Au mois de mai 1760, Charles de Lavie, baron de Nontron, seigneur du Bourdeix, Saint-Etienne-le-Droux et autres places, président honoraire au Parlement de Bordeaux, déposait une plainte contre les habitants de Saint-Etienne-le-Droux, paroisse de l'ancien diocèse de Limoges (aujourd'hui appelée Saint-Estèphe) qui, après avoir eu la politesse de le nommer parrain de leur cloche, et de faire mettre son nom, ses litres et armes dans l'inscription qui la décorait, avaient commis l'insulte de les enlever et de les remplacer par d'autres, malice d'aulant plus injurieuse qu'il était seigneur haut justicier de la paroisse ; sur l'autorisation qui fut accordée d'informer, Ladoire de Chamisac, lieutenant-criminel à Périgueux, se transporta à Saint-Etienne : mais le curé, Pierre Laforest, qui était l'instigateur de cette suppression, lui refusa d'abord l'entrée de l'église et ne lui remit les clefs que sur une sommation par notaire.
Dans le clocher, le lieutenant-criminel trouva deux cloches ; celle qui faisait l'objet de la plainte était la plus grosse et la plus récente ; « sur icelle il y a tout autour quatre lignes d'écriture, par le haut, formées entre cinq cordons compris celui qui est par dessous la quatrième et dernière ligne, savoir les trois premières effacées de force depuis peu de temps, non seulement avec le secours d'un ciseau, mais encore toutes les lettres paraissant comme effacées par la lime au point qu'on reconnaît à peine quelques lettres de loin en loin ; ce qui empêche de pouvoir du tout reconnaître quels noms y avaient été ci-devant formés en môme temps que la fonte de la cloche. Nous a paru aussi dans la seconde ligne qu'entre les mots ou noms ci-devant apposés il y avait deux empreintes ou ligures rondes de la grosseur d'un liard pareillement effacés par la lime. »
« Toutes les trois lignes ont été effacées si uniment qu'il est impossible de savoir ce qui pouvait être écrit ou empreint ; avons pourtant remarqué dans la troisième ligne un seul mot cl gravé en dedans avec un burin composé des lettres PEISEML qui paraît avoir été formé quelque temps après la fonte ; plus avons trouvé dans la quatrième ligne quelques mois ou noms effacés de la même manière que les précédents ; y ayant dans cette ligne les noms suivants en lettres moulées et gravées : P. Laforès, curé. Et à la suite est effacée une écriture ou autre chose de ressemblant de la longueur de doux pouces et demi, et à la suite de celle trassure est marquée l'année 1756 en chiffres élevés en bosse ; à la suite est gravé avec un burin en lettres de moulure : P. L. Rebeyrol. — MM. Peyraud, épouse de M. Bourcin, sr du Bouchet ; y ayant entre la syllabe du et le nom Bouchet une lettre effacée. N'ayant plus rien trouvé d'empreint ni d'écrit sur lad. cloche, si ce n'est le nom de Jacques Bureau Mes, en écriture moulée et y paraît formée en même temps que la cloche qui fut refondue tout comme le chiffre 1756 qui sont les deux seules choses qu'on a laissé subsister. »
De l'enquête qui suivit, il résulta que le grattage de l'inscription primitive et la gravure de la nouvelle avaient été faits par Jean Chantrand, maître-armurier à Piégut, sur l'ordre exprès du curé et malgré les représentations du syndic et de plusieurs habitants qui craignaient de mécontenter le seigneur. Dans son interrogatoire, Chantrand dit que celle cloche, qui était dans une grange depuis la fonte, portait : Jean-Charles de Lavie, chevallier, baron de Nontron, seigneur du Bourdeix, Saint-Estienne-Ledroux, et à la suite le nom de la dame de La Ramière avec ses noms de baptême et de famille dont il ne se souvient ; il ne remarqua pas d'armoiries, mais leurs noms « en chiffre en empreinte élevée ».
M. de Lavie avait bien en effet promis d'être parrain avec la dame de La Ramière, mais pendant quatre ans, il avait renvoyé de jour en jour la cérémonie, si bien que la marraine élail morte ; il avait alors fait dire au curé qu'à la suile de cette fâcheuse circonstance il ne pouvait décemment assister à la bénédiction. M. Laforest annonça donc en chaire le désistement de M. de Lavie et déclara qu'il prendrait comme parrain el marraine celui et celle qui se montreraient le plus généreux envers l'église. Léonard Rebeyrol, marchand au château d'Eygurac, ayant promis dix écus, et M. Peyraud, femme de Mathurin Bourcin, sieur du Bouchet, bourgeois, s'éianl engagée à faire reblanchir l'église ou à donner cinquante livres, furent choisis.
Il avait été d'abord convenu qu'on ajouterait leurs noms sur la cloche à la suite de ceux qui s'y trouvaient déjà ; mais le curé, sans doute mécontent du procédé de M. de Lavie qui lui avait fait attendre quatre ans cette bénédiction, enjoignit au graveur d'enlever toute l'inscription primitive.
Les documents ne font pas connaître quelle suile fut donnée à cette enquête.
(Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, 1896)
Dans le clocher, le lieutenant-criminel trouva deux cloches ; celle qui faisait l'objet de la plainte était la plus grosse et la plus récente ; « sur icelle il y a tout autour quatre lignes d'écriture, par le haut, formées entre cinq cordons compris celui qui est par dessous la quatrième et dernière ligne, savoir les trois premières effacées de force depuis peu de temps, non seulement avec le secours d'un ciseau, mais encore toutes les lettres paraissant comme effacées par la lime au point qu'on reconnaît à peine quelques lettres de loin en loin ; ce qui empêche de pouvoir du tout reconnaître quels noms y avaient été ci-devant formés en môme temps que la fonte de la cloche. Nous a paru aussi dans la seconde ligne qu'entre les mots ou noms ci-devant apposés il y avait deux empreintes ou ligures rondes de la grosseur d'un liard pareillement effacés par la lime. »
« Toutes les trois lignes ont été effacées si uniment qu'il est impossible de savoir ce qui pouvait être écrit ou empreint ; avons pourtant remarqué dans la troisième ligne un seul mot cl gravé en dedans avec un burin composé des lettres PEISEML qui paraît avoir été formé quelque temps après la fonte ; plus avons trouvé dans la quatrième ligne quelques mois ou noms effacés de la même manière que les précédents ; y ayant dans cette ligne les noms suivants en lettres moulées et gravées : P. Laforès, curé. Et à la suite est effacée une écriture ou autre chose de ressemblant de la longueur de doux pouces et demi, et à la suite de celle trassure est marquée l'année 1756 en chiffres élevés en bosse ; à la suite est gravé avec un burin en lettres de moulure : P. L. Rebeyrol. — MM. Peyraud, épouse de M. Bourcin, sr du Bouchet ; y ayant entre la syllabe du et le nom Bouchet une lettre effacée. N'ayant plus rien trouvé d'empreint ni d'écrit sur lad. cloche, si ce n'est le nom de Jacques Bureau Mes, en écriture moulée et y paraît formée en même temps que la cloche qui fut refondue tout comme le chiffre 1756 qui sont les deux seules choses qu'on a laissé subsister. »
De l'enquête qui suivit, il résulta que le grattage de l'inscription primitive et la gravure de la nouvelle avaient été faits par Jean Chantrand, maître-armurier à Piégut, sur l'ordre exprès du curé et malgré les représentations du syndic et de plusieurs habitants qui craignaient de mécontenter le seigneur. Dans son interrogatoire, Chantrand dit que celle cloche, qui était dans une grange depuis la fonte, portait : Jean-Charles de Lavie, chevallier, baron de Nontron, seigneur du Bourdeix, Saint-Estienne-Ledroux, et à la suite le nom de la dame de La Ramière avec ses noms de baptême et de famille dont il ne se souvient ; il ne remarqua pas d'armoiries, mais leurs noms « en chiffre en empreinte élevée ».
M. de Lavie avait bien en effet promis d'être parrain avec la dame de La Ramière, mais pendant quatre ans, il avait renvoyé de jour en jour la cérémonie, si bien que la marraine élail morte ; il avait alors fait dire au curé qu'à la suile de cette fâcheuse circonstance il ne pouvait décemment assister à la bénédiction. M. Laforest annonça donc en chaire le désistement de M. de Lavie et déclara qu'il prendrait comme parrain el marraine celui et celle qui se montreraient le plus généreux envers l'église. Léonard Rebeyrol, marchand au château d'Eygurac, ayant promis dix écus, et M. Peyraud, femme de Mathurin Bourcin, sieur du Bouchet, bourgeois, s'éianl engagée à faire reblanchir l'église ou à donner cinquante livres, furent choisis.
Il avait été d'abord convenu qu'on ajouterait leurs noms sur la cloche à la suite de ceux qui s'y trouvaient déjà ; mais le curé, sans doute mécontent du procédé de M. de Lavie qui lui avait fait attendre quatre ans cette bénédiction, enjoignit au graveur d'enlever toute l'inscription primitive.
Les documents ne font pas connaître quelle suile fut donnée à cette enquête.
(Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, 1896)