Le seigneur d’Herpès en Courbillac

L’histoire se situe au village d’Herpès, ancien fief relevant de la châtellenie de Neuvicq. Le dernier possesseur du château était M. de La Laurencie, marquis de Charras qui avait droit de basse et moyenne justice.

Ce seigneur peu banal, qui était le père du dernier marquis possesseur du château, alimenta la chronique locale car il était réputé pour être avare et violent. Un jour, il avait requis pour faire conduire sa récolte de vin, 24 manants pour conduire 24 charrettes. Après avoir chargé au château qui se situait bien à deux kilomètres du bourg, les paysans devaient mener leur charroi jusqu’à Jarnac, situé à une douzaine de kilomètres. Or, un des habitants n’avait qu’un boeuf. Il décida donc de s’adjoindre un voisin. En groupant leurs bêtes ils pouvaient ainsi constituer l’attelage manquant.

"Pour ce voyage pénible dans des sentiers comme on en voyait dans ce bienheureux temps, ils reçurent comme rétribution 5 sols par attelage et un souper au château". Au retour de cette course de plus de 24 kilomètres, les deux Herpois affamés allèrent donc s’attabler avec les autres. Les mauvaises langues de l’époque prétendirent que le repas fut des plus médiocres si l’on s’en réfère à l’avarice du maître des lieux. C’est alors que le vieux marquis entra tout à coup.

Mais laissons place au conteur relatant l’altercation :

"Le marquis compte ses gens, les recompte...vingt-cinq ! Il y en a un de trop ! s’écrie t’il d’une voix tonnante ! Nul ne bouge. Il fait un second dénombrement, même résultat ; ils sont 25. Il veut connaître l’intrus. Il tempête, si bien que le pauvre diable se lève, se jette à ses genoux et lui explique sa présence presque justifiée par le prêt de son boeuf. La fureur du marquis ne connaît plus de bornes.

Rends-moi mon souper, coquin ! hurle t-il et ses yeux cherchent un bâton quelconque pour assommer le voleur. Notre manant comprend qu’il n’a que le temps de fuir. Il s’échappe, mais pas assez vite pour éviter le terrible marquis qu’il trouve à la porte extérieure du château décidé à étrangler le voleur qui lui emporte son souper".

Pendant la période révolutionnaire, le marquis de Charras résidait dans la région parisienne où il échappa au rasoir national eu égard à son état maladif. Mais son épouse et sa soeur, accusées de complicité à l’émigration, périrent sur l’échaufaud . La plupart des La Laurencie émigrèrent et passèrent à l’armée de Condé.

Source : La Charente au XVIIIe siècle, de Gabriel Tesseron.

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