Pierre Regnauld contre Anne-Françoise Arnauld
Acte reçu par Jean Bernard, notaire royal à Angoulême. 19-21 janvier 1765.
Procès-verbal de l'état de démeublement de la maison d'Anne-Françoise-Catherine-Marie Arnauld, ce requérant Pierre Regnauld, chevalier de la Soudière, son mari, ancien brigadier des gardes-du-corps du Roi, chevalier de St-Louis, seigneur de Goué, demeurant au logis dudit lieu, paroisse de Mansle ; conformément à l'ordonnance obtenue en raison de la plainte qu'il a formée contre les volences de sadite femme et de certains cuidams, ses « complices ». Mme Arnauld expose qu'elle a épousé le chevalier de la Soudière à 25 ans, étant veuve depuis 7 ans de M. Arnaud de Viville : elle avait vécu pendant son veuvage à Paris où l'attiraient ses parents dont quelques-uns ont l'honneur d'être parmi les premiers membres du Parlement. Sa fortune était de 10.000 livres de rente provenant de M. et Mme Guiot de Chêne, ses aïeuls maternels, et de M. et Mme Arnauld de Bouex, ses parents. M. de la Soudière âgé de 48 ou 49 ans au moment de son mariage « n'avoit pour touts biens et pour toutte ressource qu'une bandoullière de garde du Roy » ; sa femme, cependant, ne stipula point de propres dans leur contrat, et lui fit même donation de tout ce dont elle pouvait disposer. M. de la Soudière la détermina à habiter l'Angoumois, se fit donner procuration par elle, et dans trois voyages à Paris réalisa près de 150.000 livres dont il n'employa que 26.000 ou 27.000 à payer une partie du fief de Goué acquis moyennant 54.000 livres : le surplus fut dissipé au jeu, « au plaisir de table », etc. Il fut établi, à la fin de 1762, qu'il avait, en neuf ans, dépensé 14.900 livres de rente, 154.000 livres de principal, et fait plus de 60.000 livres de dettes : une séparation de biens à l'amiable fut alors décidée. Mais M. de la Soudière changea bientôt d'avis ; il alla jusqu'à vendre les meubles, vêtements et bijoux de sa femme aux fripiers d'Angoulême et de Bordeaux. Celle-ci, était réduite à demander au parlement, au mois d'avril 1764, une provision pour la faire vivre avec les deux enfants de son premier mariage ; M. de La Soudière avait gardé ses deux filles. Un arrêt de septembre 1764 condamnait son mari à lui payer 6.000 livres et à lui rendre ses vêtements et ses bijoux : il « répandit partout qu'on ne lui ôteroit les meubles et la jouissance du fief de Goué qu'après qu'il auroit arraché la vie à son épouse, à ceux qui seroient chargés de le contraindre, ou qu'il l'auroit perdue lui-même ». Maintenant, elle était accusée de vol pour avoir transporté de Goué à Angoulême, au moment où devait se faire leur séparation à l'amiable, quelques meubles et de l'argenterie ! « La dame de la Soudière auroit peut-être soutenu jusqu'à la fin le sacrifice de sa fortune entière, même de sa vie ; mais une foulle des créanciers qu'il faut satisfaire une diffamation publique, ne lui permettent plus déménagements. Ce qui auroit été auparavant prudence et générozité lui dégénéroit actuellement en crime : elle aura la satisfaction de n'avoir publié elle-même la conduitte de son mary que parce qu'il l'y a forcée, et que les sentiments d'honneur l'ont absolument exigé d'elle ».
Source : Archives départementales de la Charente.
Procès-verbal de l'état de démeublement de la maison d'Anne-Françoise-Catherine-Marie Arnauld, ce requérant Pierre Regnauld, chevalier de la Soudière, son mari, ancien brigadier des gardes-du-corps du Roi, chevalier de St-Louis, seigneur de Goué, demeurant au logis dudit lieu, paroisse de Mansle ; conformément à l'ordonnance obtenue en raison de la plainte qu'il a formée contre les volences de sadite femme et de certains cuidams, ses « complices ». Mme Arnauld expose qu'elle a épousé le chevalier de la Soudière à 25 ans, étant veuve depuis 7 ans de M. Arnaud de Viville : elle avait vécu pendant son veuvage à Paris où l'attiraient ses parents dont quelques-uns ont l'honneur d'être parmi les premiers membres du Parlement. Sa fortune était de 10.000 livres de rente provenant de M. et Mme Guiot de Chêne, ses aïeuls maternels, et de M. et Mme Arnauld de Bouex, ses parents. M. de la Soudière âgé de 48 ou 49 ans au moment de son mariage « n'avoit pour touts biens et pour toutte ressource qu'une bandoullière de garde du Roy » ; sa femme, cependant, ne stipula point de propres dans leur contrat, et lui fit même donation de tout ce dont elle pouvait disposer. M. de la Soudière la détermina à habiter l'Angoumois, se fit donner procuration par elle, et dans trois voyages à Paris réalisa près de 150.000 livres dont il n'employa que 26.000 ou 27.000 à payer une partie du fief de Goué acquis moyennant 54.000 livres : le surplus fut dissipé au jeu, « au plaisir de table », etc. Il fut établi, à la fin de 1762, qu'il avait, en neuf ans, dépensé 14.900 livres de rente, 154.000 livres de principal, et fait plus de 60.000 livres de dettes : une séparation de biens à l'amiable fut alors décidée. Mais M. de la Soudière changea bientôt d'avis ; il alla jusqu'à vendre les meubles, vêtements et bijoux de sa femme aux fripiers d'Angoulême et de Bordeaux. Celle-ci, était réduite à demander au parlement, au mois d'avril 1764, une provision pour la faire vivre avec les deux enfants de son premier mariage ; M. de La Soudière avait gardé ses deux filles. Un arrêt de septembre 1764 condamnait son mari à lui payer 6.000 livres et à lui rendre ses vêtements et ses bijoux : il « répandit partout qu'on ne lui ôteroit les meubles et la jouissance du fief de Goué qu'après qu'il auroit arraché la vie à son épouse, à ceux qui seroient chargés de le contraindre, ou qu'il l'auroit perdue lui-même ». Maintenant, elle était accusée de vol pour avoir transporté de Goué à Angoulême, au moment où devait se faire leur séparation à l'amiable, quelques meubles et de l'argenterie ! « La dame de la Soudière auroit peut-être soutenu jusqu'à la fin le sacrifice de sa fortune entière, même de sa vie ; mais une foulle des créanciers qu'il faut satisfaire une diffamation publique, ne lui permettent plus déménagements. Ce qui auroit été auparavant prudence et générozité lui dégénéroit actuellement en crime : elle aura la satisfaction de n'avoir publié elle-même la conduitte de son mary que parce qu'il l'y a forcée, et que les sentiments d'honneur l'ont absolument exigé d'elle ».
Source : Archives départementales de la Charente.