L'université d'Angoulême en 1516
Édit de création d’une université à Angoulême, par François 1er
Amboise, 27 décembre 1516. (Registré au parlement le 2 avril 1549, avant Pâques ; Ie volume des ordonnances de Henri II, coté P, f° 436.)
François, etc. Sçavoir faisons à tous présens et advenir que, comme entre toutes choses servans au gouvernement, entretenement et augmentation de tous royaumes, principaultéz et monarchies, soit nécessairement requis, avoir, nourrir, entretenir et privilégier gens clercs, lettrés et sçavans, par révolution de livres, estudes et spirituels labeurs, les gestes, doctrines et louables exercices de ceulx qui ont illustré, anmobli, accreu et augmenté, tant par leur sens, escriptures, littérature, que actes vertueux, le bien et estat de la chose publicque, chrétienne, qui ne peut estre, par expérience, entendu ni cogneu durant la vie des humains, parce qu'elle est momentaire, caducque et de briefve durée ;
Et à ceste cause, est requis avoir recours à la révolution et lecture des livres et doctrine des bons, grands et notables personnaiges, qui ont profondément et à plain escript en toutes facultés, et que, par cours et usaige commun, les esperits et entendemens humains ne soient capables avoir congnoissance des dictes facultés et sciences, sans directeurs, précepteurs, maitres et docteurs d'icelles facultés, et qu'il y ait lieux, colléges et universités appropriées, dédiées, érigées et fondées pour enseigner, monstrer et apprendre icelles facultés et sciences.
Et que, ayons esté deument advertis que feu de bien heureuse et très recommandable mémoire, Jehan, comte d'Angoulesme, nostre ayeul paternel, qui tant et si vertueusement a vécu, manié et traioté ses subjects et affaires, que devant Dieu et em son Esglise il reluit et fleurit, par miracles, et en a porté, et encore tient le titre et renom du bon comte Jehan, que nous tenons à Nous et toute nostre maison, à très grand honneur et exaltation ;
Considérant, sa vie durant, sa ville et comté d'Angoulesme être une bien belle, grande et spacieuse cité, élevée et assise en haut lieu, doulx air benin et tempéré, sain, propre et très commode pour estude et exercice spirituel, hors de tous passages et négociations mondaines et séculières, garnie de bois, champaignes, rivières et ruisseaulx prochains; environnée de toutes parts de bon, fertile, doulx et plaisant pays, tant pour le vivre, nourriture et entretenement des gens de lettres, docteurs et estudians, qui pourroient venir et converser en icelle, que pour leur récréation, soulagement et consolation spirituelle,
Et que icelle ville, qui est du nombre des principales clefs et frontières de nostre royaume, mesmement du costé et endroict de nostre duché et pays de Guyenne, et que, en temps de guerre et hostilité, elle a toujours, par cy devant, fait, et pourra, par cy après, faire plusieurs bons services, à Nous et à nostredit royaume, n'a pu, par cy devant, et ne pourroit, pour l'advenir, estre peuplée, remplie et garnie de gens d'autorités, esprit, scavoir et conduite, sans y dresser, ériger, créer et establir université : collége et escolles, en toutes facultés, auroit pris et conçeu propos, vouloir et délibération, faire ériger, dresser et establir en ladite ville et cité d'Angoulesme escolles, collége et université, en toutes facultés, tant pour la construction, fortification et entretenement d'icelle cité, que pour le bon et pitenx désir qu'il avoit au proffit et instruction des pauvres et ieunes personnages de ses pays et circonvoisins, et exaltation de nostre saincte foy catholique ; ce que, prévenu de mort, il n'auroit pu faire, et sont les choses demourées sans perfection jusques à présent, qu'il a plu à Dieu, le créateur, Nous exalter et faire parvenir à la couronne.
Et que nostre très chère et très amée dame et mère, à laquelle, pour partie de son entretenement, Nous avons donné et octroyé ladicte ville et cité, ensemble le pays et duché d'Angoulmois,
Nous a supplié et requis ensuir et accomplir le bon et louable désir et vouloir dudit feu seigneur nostre bon ayeul, et en ce faisant, créer, établir et ordonner en ladite ville et cité d'Angoulême escolles et université en toutes facultés, et icelles doter et enrichir de libertés, immunités et priviléges y requis et nécessaires.
Pour ce, est-il que Nous, qui de tout nostre cœur et vouloir désirons estre imitateur dudit feu seigneur nostre bon ayeul, ensuir et parfaire les bonnes œuvres et propos par lui entreprinses et délibérées, peupler, enrichir et annoblir ladite ville et cité d'Angoulesme, faire et accroistre la commodité et proffit dudit pays et duché d'Angoulmois, auquel Nous avons prins nostre commencement et naissance, obtempérer, et de nostre pouvoir, satisfaire aux prières et requestes de notre dite dame et mère, qui, de ce, nous a très instamment supplié et requis.
Pour ces causes et autres raisonnables considérations, à ce nous mouvans, de nostre certaine science, grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale,
Avons érigé, créé, ordonné et nouvellement estably, créons, érigeons, ordonnons et establissons en ladite ville et cité d'Angoulesme, collége, escolles et université, en toutes facultés et sciences, et pour l'entretenement, conservation et augmentation d'icelle, avons donné et octroyé, donnons et octroyons à icelle université, colléges, facultés et docteurs, maistres gradués et estudians, escolliers, bedeaux, messagiers et autres officiers d'icelle université, présens et advenir, et qui, en icelle, vacqueront et desserviront sans fraude telle et semblable jurisdiction, puissance, autorités, priviléges, immunités, libertés, exemptions et franchises que ont et ont accoutumé d'avoir les universités de nos bonnes villes de Paris, Poitiers et Toulouse, et les suppots, officiers, messagiers, docteurs, gradués, escolliers et estudians d'icelles et chacune d'elles que voulons estre d'un tel effet, force et vertu, comme s'ils étoient nommés, déclarés et exprimés en cesdites présentes.
Et pourront les docteurs, maistres et gradués d'icelle université élire, instituer et créer recteurs et tous autres officiers d'icelle université, sauf et réservé le conservateur des priviléges royaux d'icelle duquel l'institution et provision nous appartiendra à la nomination et présentation de nostredite dame et mère.
Si donnons, etc.
Source : Recueil général des anciennes lois françaises, de François-André Isambert.