Nontron et la Fronde
La Fronde. — Plus tard, de 1648 à 1653 et durant la Fronde, les habitants de Nontron, tenant toujours pour le roi et l'unité francaise, eurent encore à se signaler plus d'une fois, et leur ville devint le quartier général des troupes royales, d'après les documents suivants :
Du 10 juin 1650, lettre datée de Confolens et écrite au cardinal de Mazarin par le maréchal de La Meilleraye, qui lui mande entr'autres choses :
J'ai en vue Limoges et Angoulesme et fais advancer tout ce qui nous est nécessaire pour notre petit équipage, afin que lundi nous puissions estre a moitié chemin de Périgueux, a un lieu qui s'appelle Nontron où je fais mon rendez-vous général. (Archives de la Gironde).
En 1651, Périgueux ayant été pris par le prince de Condé, les sièges royaux furent transférés à Nontron où ils restérent jusqu'en octobre 1653, ainsi qu'il appert des actes civils de cette ville, où l'on trouve : à la date du 14 août 1652, l'acte de baptême de la fille de « Monsieur maistre François de Simon, escuyer, sieur de Chatillon, conseiller du roy et président au siège royal de Périgueux, et de dame Jeanne Martin, parrain M. Me de Vincent, sieur de Laborie, escuyer, conseiller magistrat audit siège ; et autre baptème du 17 août 1653, de Léonard Deyriaud, fils de M. Me François Deyriaud, conseiller du Roy en l'élection de Périgueux. ) C'est ce qui résulte aussi et péremptoirement du traité fait à Périgueux, le 1er octobre 1653, entre le duc de Candale, général en chef des armées royales, et les maire, consuls et citoyens de Périgueux, où il est dit à l'art. III : « Les sièges royaux seront rétablis et conservés dans la dite ville sans s'arrêter à la translation qu'en a esté faicte en la ville de Nontron, laquelle demeurera pour non-advenue et sans aucun esfaict. »
Quelques mois avant et en juin 1653, le marquis de Sauvebœuf avait son quartier général à Nontron, d'où il fit expédier le 5 dudit mois de juin des lettres de sauvegarde à Jacques de St-Astier, « servant pour le Roy contre les Frondeurs qui prirent son chasteau des Bories, près Périgueux, et ravagèrent ses biens. »
Parmi les personnages de Nontron et des environs qui se signalerent pendant la Fronde et les troubles antérieurs, au service du roi, nous trouvons :
1° François de Conan, seigneur de Connezac, auquel le maréchal de Folleville, commandant pour le roi sous l'autorité de S. A. M. le duc de Candale, délivra les lettres de sauvegarde ci-après :
Mandons et ordonnons à tous ceux sur qui nostre pouvoir sestend et prions tous autres quil appartiendra de ne loger ny fourrager dans les paroisses de Connezac et Hautefaye, lesquelles a la prière et considération du sieur Depasvieux nous avons mises et mettons soubs la protection du Roy et la nostre, ayant chargé le sieur de Connezat de nous informer ponctuellement de ceux qui auront eu considération à nostre sauvegarde promettant faire le semblable quand en seront requis de leur part. En tesmoins de quoy nous avons signe le present, y fait apposer le sceau de nos armes et contresigner par nostre secrettaire a Nontron, ce deuxsiesme de may 1653. Signé Folleville Lesens ; par monseigneur, Coustain.
2° Thibault de La Brousse, seigneur de La Pouyade, beau-frère de Joseph Bodin, qui commandait un régiment de cavalerie posté auprès de Périgueux et par l'entremise duquel ledit Bodin correspondait avec les marquis de Sauvebœuf et de Thourailles, commandant les troupes royales campées dans les plaines de St-Laurent-sur-Manoire, en septembre 1653.
3° Dans le catalogue des nobles de l'Élection de Périgueux, dressé par M. Pelot, intendant de Guyenne, de 1664 à 1667, figurent : « François, Simon, autre François de La Roussie, originaires de Nontron, anoblis par lettres de l'année, à cause des services considérables qu'ils ont rendus pendant les mouvements derniers et des grandes pertes qu'ils ont soufferts pour le service de sa majesté. »
Nous aurions, sans doute, beaucoup d'autres noms à ajouter à ceux qui précèdent, et nous regrettons de ne pouvoir le faire, en ce moment, à défaut de documents suffisants. Nous faisons donc appel aux familles du Nontronnais, qui auraient intérêt à nous communiquer les leurs et à en assurer ainsi la conservation.
4° Quant aux habitants de la ville de Nontron, sans distinction de classes, ils tinrent à honneur de servir la cause du roi de France contre les frondeurs, comme ils l'avaient déjà fait contre les Anglais et contre les huguenots, et les reitres allemands, leurs alliés, ainsi qu'il résulte de l'exemption d'impôts qui leur fut accordée le 5 mars 1651 par le roi Louis XIV et dont la teneur suit :
Sur ce qui a esté représenté au Roy en son conseil par les habitans de la ville de Nontron en Périgort, que sa ville de Périgueux, cappitale du païs s'estant déclarée pour les ennemis de l'estat, ils furent exhortez par les chefs du party rebelle de suivre leur pernicieuz exemple, et pour ny avoir voulu consentir, menassez de ruyne. Mais comme ils n'ont jamais eu de plus forte passion que de vivre tousiours dans la fidélité qu'ils doivent a sa maiesté, dans les temps mesme ou ses rebelles suiels croyoient qu'il n'y eust aucune puissance qui leur put résister, les dicis habitans de Nontron, de leurs propres mouvements, furent au derant du sieur de Sauvebeuf pour le prier de faire entrer ses trouppes dans le Périgort, par la dicte ville de Nontron, ce qu'il fit, et après y avoir vescu plusieurs jours, aux despens des habitans avecq ses deux régimens de cavallerie et d'infanterie et quantité de volontaires, et pris le pain de munition pour leur subsistance, la dicte ville lui fournit huici vingts cavaliers et soldats, tous bien montez et armez ; lesquels oultre six vingis habitans qui avoient pris party dans les trouppes de sa majesté, curent l'honneur d'assister aux prises des Chasteau l'évesque ct Agonnat, et ensuite aux allaques et prises de Razac, Montanceis, Rougnac, St-Paul et la Tour-Blanche, notamment a la deffailte générale du pariage; Avant en ces occassions et généralement en toutes les autres qui se sont passées en Périgort et lieux circonvoisins, particulièrement soubs la conduille du dict sieur de Sauvebeuf et des sieurs de Foleville et Bousquet Chavagnac, donné des preuves évidentes de leur courage, gardé le chasteau de Bourdeille que le sieur de Bessay n'auroit voulu confier qu'à leur fidélité, souffert avecq plaisir divers logemens des trouppes de sa maiesté, tant de cavallerie que d'infanterie, payé tous les arrérages des tailles, fourny de contributions, pain, poudre, plomb et munitions, nourry long temps plusieurs prisonniers de guerre, repoussé diverses fois les ennemis, et en ces occasions randu de plus grands services à sa maiesté que ville de Guienne ; et parce que les ennemis avoient dessain d'attaquer la dicte ville de Nontron pour s'en servir, affin de faire des courses dans les provinces d'Angoumois, Poitou et Limousin, desquelles elle est limitrophe, le sieur marquis de Montauzier y avoit mis pour commandant le sieur de La Tour, par les ordres duquel ils auroient fortiffié la dicte ville, le fort d'icelle et le chasteau d'Albret qui la commande, appelé à leur secours diverses fois cinq à six cents de leurs voisins qu'ils avoient faict subcister, mis à couvert plusieurs lieux qui sans eux auroient esté la proye des ennemis, et par ce moyen maintenu dans l'obéissance de sa maiesté plus de trois mille hommes qui panchoient à la révolte, ce qu'ils n'ont pu faire sans se consommer en de grandes despances. Oultre lesquelles après avoir souffert plusieurs logemens, ils furent obligez de fournir la subsistance, ordonnée par le sieur duc de Candale, aux deux régiments du sieur de Sauvebeuf et aux trouppes de Plevixe et du comte Philippes ; montant et suivant la liquidation qui en fut faicte par les esleuz, à la somme de dix mille cinq cents livres, et de laquelle ils n'ont pu tirer aucun payement du receveur des tailles, bien que le dict sieur duc de Candalle leur aye donné ordonnance pour cest effect le xvili avril dernier, ce qui causeroit la ruyne totale de la dicte ville de Nontron si elle n'estoit rembourcée de la dicte somme ; et si sa maiesté ne la mettoit à couvert de la haine des esleuz de Périgueux, la pluspart desquels estoient dans la rébellion, et qui la veulent surcharger annuellement de taille et autres impositions, pour avoir esté la scule qui s'est généreusement opposée à tous les dessains de la dicte ville de Périgueux, et qui a mieux servi sa maiesté que ville de Guienne, ainsi qu'appert par les certifficats des lieu tenans généraulx et des mareschaulx de camp de son armée de Guienne, Au moyen de quoy requerroient qu'il pleust á sa dicte maiesté les vouloir descharger doresnayant de toute laille, taillon, droicts d'officiers et autres impositions qui ce peuvent faire durant le cours de l'année, ou du moins les reigler au quart des dicres impositions de l'année dernière, montant le dict quart, suivant les mande ou commission, à la somme de huit cens quarante cinq livres ; faire inhibitions et deffances aux dicts esleuz de laxer la dicte ville et paroisse de Nontron å une somme plus haute, à peyne de suspension de leurs charges, et de tous despens, dommages et interests. Et en outre ordonner qu'il sera par eux imposé l'année présente sur tous les contribuables de la dicte eslection, la dicte somme de dix mille cinq cens livres, à quoy monte la subcistance fournie aux régimens de Sauvebeuf, trouppe de Plevix et comte Philippes, suivant l'ordonnance du dict sicur duc de Candalle du dict jour xvil avril dernier, pour estre la dicle somme receue par le receveur des tailles en exercisse, payée aux sindigs et consuls de la dicte ville de Nontron sur leurs quittances a la partie de l'espargne, nonobstant, sans s'arrester aux deffenses portées par les commissaires des tailles, auxquelles il plairoit à Sa Majesté de vouloir desroger pour ce regard. Veu la dicte requeste et les certifficats des services rendus à sa majesté par les habitans de la dicte ville de Nontron, ordonnance du sieur duc de Candalle sus énoncée, le procèsverbal du sieur de Latour, commandant en la dicte le service de sa maiestė, contenant lestat des fortiffications faictes en icelle aux despans des dicts habitans et autres pieces attachées à la dicte requeste, signée Authier et Loride. Ouy le rapport et tout considéré. Le Roy en son conseil a deschargé et descharge les dicts habitans de la dicte ville de Nontron de la moictié, à quoy ils seront imposez de tailles pendant les années 1634 et 1655 a la charge de paier le surplus sans nouvellement. A ordonné et ordonne que la dicte somme de dix mil cinq cens livres sera imposée et levée sur les contributions des tailles de la dicte eslection de Périgueux en trois années esgallement, à commencer en la présente, nonobstant les deffences portées par les commissions des tailles, auxquelles sa maiesté a desrogé pour ce regard, pour estre la dicte somme reçeue par les receveurs des tailles en exercice les dictes années et par eux payée aux dicts sindiq et consuls de la dicle ville de Nontron sur leur emploi, pour leur tenir lieu des despences par eux faictes pour le service de sa maieste, et seront pour les dicts despens arrest toutes lettres par nous dellivrées. Signé : Séguier, Molé, Foucquet, Bordier. (Archives nationales, E. 264.)
Source : Monographie de la ville et du canton de Nontron, de Pierre-Henri Ribault de Laugardière.