Le dernier duc d'Angoulême

 L'Angoumois était, depuis 1773, l'apanage du frère de Louis XVIII, Charles Philippe, comte d'Artois, qui fut plus tard Charles X. Ce titre de duc d'Angoulême passa ensuite aux mains de l'un de ses fils Louis-Antoine de Bourbon, époux de Marie-Thérèse Charlotte, dite madame Royale, fille de Louis XVI, duchesse d'Angoulême.

Le duc et sa femme furent d'ardents royalistes, qui rêvaient la chute de l'Empire et le rétablissement de l'ancienne monarchie.

En janvier 1814, alors que le cabinet de Londres déroulait son plan de restauration, le duc d'Angoulême débarqua à Saint-Jean-de-Luz et alla se cacher à Saint-Sever d'où il communiqua avec les chefs catholiques de l'Ouest, tels que La Rochejaquelin et de Taffart, pour former des associations secrètes qui devaient instruire les alliés sur la situation de la France.

Pendant que Soult faisait retraite en remontant l'Adour pour rejoindre l'armée de Suchet, les royalistes se proposèrent de prendre Bordeaux pour le remettre au roi Louis XVIII.

Le maire de la ville, le comte de Lynch, sollicita le duc d'Angoulême de venir et l'informa que les Bordelais lui ouvriraient leurs portes et leur coeur.

Défiant la police secrète de l'Empereur, le duc d'Angoulême fit appel à des volontaires royaux. Aussitôt, de tous les points des villes du Sud-Ouest, arrivèrent des partisans équipés et montés à leurs frais et, le 12 mars 1814, malgré la décision de Wellington qui envoya 15.000 anglais sous la conduite de Beresford pour empêcher le complot royaliste, le duc entra dans Bordeaux avec son escorte de volontaires royaux conduits par son premier écuyer, le comte de Guiche; il occupa la ville jusqu'au 17 juillet.

Au cours de ce séjour, Marie-Thérèse Charlotte et son mari visitèrent un grand nombre de villes qui les avaient invités. Le 6 mai une délégation composée de MM. Gounin-Pompinaud, maire, Pasquet de Laurière, Sibilet Mathieu, le général Lacroix partit à Bordeaux pour aller déposer, au nom de la ville, les hommages des habitants de La Rochefoucauld, aux pieds du duc d'Angoulême. En reconnaissance, Louis-Antoine de Bourbon fit halte à La Rochefoucauld le 23 mai et il y fut reçu par plusieurs maires du canton en uniforme officiel : écharpe blanche, chapeau retroussé à la Henri IV, cocarde blanche et plumet blanc.

Bordeaux fut conservé à la cour royale par Marie-Thérèse Charlotte plus de dix jours après le retour de Napoléon aux Tuileries. En récompense, le roi Louis XVIII nomma le duc d'Angoulême Grand Amiral de France. Parmi les volontaires royaux, venus de la Charente, il faut citer Dexmier de Chenon, Dumas de la Rogue, de Chambre, etc.

En leur décernant le titre d'officier, le duc d'Angoulême avait remis à chacun des volontaires un insigne qu'on appela l'ordre du Brassard, dirigé par S. A. R. Louis-Antoine de France. L'insigne était formé d'un ruban en soie blanche, orné d'une belle plaque en émail qu'on portait sur l'uniforme militaire; pour le civil, il était remplacé par une médaille. Un brevet parchemin confirmait le titre. En tête du brevet figurait le brassard gravé à l'eau forte, scellé du sceau de la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur et contre scellé du sceau du capitaine de chaque compagnie.

Au 20 juillet le roi Louis XVIII y ajouta la décoration du Lys, imitation de la croix de Saint-Louis, avec couronne royale supportant la décoration et, à l'avers, une fleur de lys avec la légende « Vive le roi ! »

Dans les derniers jours de février 1815, les volontaires royaux de l'ordre du Brassard se réunirent à nouveau à Bordeaux pour y fêter l'anniversaire du 18 mars 1814 et y revoir le duc et la duchesse d'Angoulême, qui devaient arriver le 7 mars.

C'est au milieu des fêtes données à cette occasion par le commerce que le duc apprit la nouvelle du retour de Napoléon. A cinq heures du matin, sentant le danger qui le menaçait, il partit pour Nîmes, confiant la duchesse, sa femme, aux volontaires royaux qui l'accompagnèrent jusqu'à Pauillac, d'où elle s'embarqua pour l'Espagne (3 avril 1815). Le duc fut arrêté et envoyé à Barcelone. En quittant ses volontaires, il adressa à chacun une lettre conçue en ces termes :

« Je me fais un plaisir de témoigner aux volontaires royaux ma vive satisfaction du zèle qu'ils n'ont cessé de manifester depuis l'époque mémorable du 16 mars. Je leur en fais mes remercîments en mon nom et en celui du Roi.

« Je les invite à se retirer par congé dans leurs familles et à attendre que mon retour, ou l'arrivée de la Duchesse d'Angoulême, ou de quelque prince, rendent de nouveau leurs services aussi utiles qu'ils m'ont été agréables. Ils peuvent au surplus toujours compter sur mon sincère attachement : Signé : Louis-Antoine. »

Après les Cent jours, les volontaires demandèrent à être admis dans la garde de Monsieur; on ne leur répondit pas. Plus tard, une députation fut envoyée près de Louis XVIII pour le prier d'autoriser le port de la décoration; le roi ne la reçut pas et les volontaires royaux subirent le sort des compagnies rouges des gendarmes et de celles des chevau-légers et gardes de Monsieur. Cependant Charles X, par une lettre de la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur, signée Macdonal (4 septembre 1824), autorisa les anciens volontaires royaux à porter la décoration du Brassard.

Le dernier duc d'Angoulême, qui avait reçu le titre de Dauphin à la mort de Louis XVIII, signa avec son père Charles X (juillet 1830) sa renonciation au trône en faveur du duc de Bordeaux, et, tous les deux, ils se retirèrent à l'étranger avec lé dernier rejeton de leur race.

Il mourut à Goritz en 1844.

Source : Histoire de l'Angoumois, de Léon Bertrand.

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