Pierre-François Chabaneau, un savant périgourdin et le platine pur
Enfant du pays, Chabaneau naquit à Nontron, le 21 avril 1754, d'une famille d'artisans pauvres. Un de ses oncles, moine à Saint-Antonin (Aveyron), voulut en faire un prêtre et l'éleva près de lui. Il le fit admettre plus tard à l'Oratoire de Paris pour y étudier la théologie. Mais les maîtres de Chabaneau le jugèrent d'esprit trop indépendant et le renvoyèrent. Jeté sans argent sur le pavé de Paris, un certain abbé La Rose le recueillit et le fit charger d'un cours de mathématiques dans une maison d'éducation que les Jésuites avaient à Passy. Il lui fallut alors apprendre ce qu'il avait à enseigner, et il l'apprit si bien qu'il ne tarda pas à acquérir un certain renom de professeur. Bientôt il put ouvrir un cours public. C'est là que vinrent l'entendre les fils du comte de Peña Florida, que leur père avait chargés de recruter des professeurs pour un grand collège de nobles récemment fondé à Bergara. Ils enrôlèrent Chabaneau, qui resta trois ans à Bergara et y fit des leçons si remarquées que le roi Charles III créa pour lui, à Madrid, une chaire publique et gratuite de sciences minéralogiques, chimiques et physiques, le logea dans son palais et lui alloua un traitement de 2,200 piastres (12,000 francs). Dans le laboratoire que le roi lui avait fait construire, Chabaneau, après de longues recherches, arriva à rendre le platine malléable. Le roi ordonna qu'on frappât une médaille commémorative de cette découverte et dota le savant d'une pension de 2,800 piastres en sus de son traitement annuel, à la condition qu'il ne quitterait pas l'Espagne (1783). En 1790, parut un grand ouvrage sur les sciences naturelles que Chabaneau avait rédigé en langue espagnole. Cependant l'excès de travail avait altéré sa santé; on lui conseilla le retour au pays natal, et, malgré les instances du roi, il renonça à sa pension et revint en Périgord. C'est peu après qu'il accepta de professer à l'École centrale de Périgueux. Lorsqu'elle fut supprimée, on lui offrit en vain une chaire de chimie à Paris; en vain on lui demanda l'autorisation de traduire et de publier son grand ouvrage : il ne voulait plus que l'indépendance et le repos. Bien qu'il eût été connu et apprécié par des hommes illustres comme Volney, Cabanis et Lavoisier, il resta indifférent à la renommée et mourut dans une retraite paisible, en 1842, à l'âge de quatre-vingt-huit ans.
Source : La Revolution française, de Alphonse Aulard.