Béchameil et l'arrondissement de Confolens

Grâce à l'influence de M. Babaud-Praisnaud, on peut le dire, M. Béchameil capitaine de vaisseau, originaire de la commune de Chirac, était devenu député de l'arrondissement. A voir leur volumineuse correspondance, souvent plusieurs lettres par jour, ce n'était pas une sinécure que la place de député, comme la comprenait le sous-préfet et comme M. Béchameil, au reste, s'efforçait de la remplir de la meilleure grâce du monde. Trouvant souvent bouche close dans les bureaux de la préfecture, le sous-préfet se retournait vers Paris, et chargeait le député d'obtenir la solution de toutes les affaires grandes et petites. Le pont et les traverses de Confolens, les allocations de bienfaisance, les maisons d'école, les questions de personnes, les détails administratifs, rien n'était oublié, et M. Béchameil devait voir à tout d'un ministère à l'autre, quand il n'était pas encore pressé de stimuler directement le zèle du préfet et de ses bureaux.

«... Si vous vous plaignez de ce qui vous arrive à mon adresse, si vous trouvez que votre cabinet devient un bureau de poste, que dois-je dire, moi qui en reçois tant et des lettres de toutes couleurs !... C'est à en perdre la tête, en vérité, et je me surprends quelquefois avec un véritable découragement. N'importe, il faut faire son devoir tout entier, quand même, et celui qui n'a pas craint d'affronter les tempêtes pendant quarante ans, ne reculera pas devant une avalanche de lettres... » — Lettre de M. Béchameil à M. Babaud-Praisnaud.

M. Béchameil, ayant pratiqué la mer toute sa vie, distingué dans son état, grand parleur, désireux de marquer sa place à la Chambre, dévoué à la personne de Louis-Philippe, dont il avait plusieurs fois commandé le vaisseau de plaisance, s'inquiétant peu des questions théoriques, et prêt à seconder le sous-préfet dans toutes ses demandes relatives à l'administration, pourvu qu'il en rejaillit quelque renom sur sa personne, il offrait un mélange étrange de bonhomie et de présomption. En somme, il n'était pas fait le moins du monde pour le métier de législateur, et s'il n'avait pas eu la malencontreuse idée de se fourrer dans la bagarre électorale, il n'aurait probablement pas perdu sa position de marin en 1848, et il serait sans doute aujourd'hui vice-amiral.

Source : Études historiques et administratives, de Léonide Babaud-Laribière.

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