Le général Dupont et le château de Rochebrune

Après ses plus beaux succès, le général Dupont profite de ses moments de loisirs pour tourner sa pensée vers sa famille et vers son pays natal : « Quand il fait beau, je cours dans un jardin, car la vue des feuilles et des fleurs est toujours pour moi bien attrayante, et il me semble que je suis plus près des Ternes (1) et de Chabanais » (2).

Contrairement à ce que l'on croit dans la région, ce n'est pas en 1808, donc avec « l'or impur de Baylen », mais bien en 1805, que Dupont fit l'acquisition du château de Rochebrune, appartenant alors au marquis Gilbert de Colbert ; ses lettres écrites au cours de la campagne de Prusse nous fixent à peu près sur l'époque de l'achat. « Le château était dans un état de délabrement complet. Il fallut aussitôt faire des travaux urgents » (3). Aussi écrit-il à sa femme : « N'oublie pas les meubles qui doivent précéder notre voyage » (4).

Désormais ses lettres seront pleines de projets concernant cette acquisition ; il se passionne pour son nouveau domaine et n'a qu'un désir, vivre tranquille près des siens, dans cette patrie d'élection. Du fond de la Prusse, il envoie ses ordres, ses plans à son vieux père qui surveillera les différentes transformations... heureux de faire exécuter les idées de ce fils qui se couvre de gloire à l'armée. « C'est toujours mon père qui dirige tous les travaux ; il vient tous les jours sur sa petite bourrique ; ce goût si vif entretient et charme son activité ; nous avions bien prévu que cela prolongerait sa santé, mais nous sommes obligés maintenant de lui recommander de la modération et du repos par intervalle » (5).

Il se fait tenir au courant de tout ce qui se passe dans sa nouvelle propriété : « on m'écrit que Rochebrune a été bouleversé par l'orage, notre cher architecte (6) doit être enchanté ; cela lui donne de l'ouvrage » (7). Une autre fois, c'est le village de Poursat qui a été abîmé par la grêle. « Rochebrune a été respecté » (8). Il suit de loin les améliorations et donne ses ordres ; mais il a parfois de la peine à se faire obéir. « Je le prie bien fort de faire faire le hangar destiné au troulpeau espagnol, mais ces nouveautés ne le tentent pas beaucoup. Je compte sur les trois beliers que tu m'annonces ; je fais chercher des portières (9) pour former un beau troupeau... Tu fais déjà des élèves, dans tes belles prairies, en chevaux limousins. Je suis moins heureux et je n'ai pas encore pu faire goûter ce foin-là, on a beaucoup semé et planté ioi. Tous mes arbres d'Orléans ont réussi, le jardin est déjà fort agréable, la façade du Midi est achevée ; et la société du canton que j'avais dernierement réunie s'est récriée sur ce qu'on appelle la magnificence du château, qui reste le Saint-Cloud du pays.

« On m'annonce à l'instant qu'il y a un sanglier dans ma forêt, j'y cours » (10).

Et sans cesse sa pensée reviendra vers ce donjon, stimulant les siens pour obtenir que l'on forme un haras, essayant de faire acclimater des moutons mérinos d'un rapport supérieur à celui des moutons limousins. Cette idée lui vient de Murat qui s'occupait de la question au moment de son installation au Grand Duché de Berg.

Notes :

1. Propriété de son beau-père.
2. Lettre du général Dupont à sa femme.
3. Note manuscrite de M. de La Quintinie.
4. Lettre du général Dupont à sa femme, Düsseldorf, 27 janvier 1806.
5. Lettre à Blanchon, 8 mai 1806 ?
6. Son père.
7. Lettre du général à sa femme, Cologne, 13 août 1806.
8. Idem. 18 septembre 1806.
9. Femelles en âge de porter.
10. Lettre à Blanchon, Rochebrune, 8 mai 1806 ?

Source : Le général Dupont, de Marc Leproux.

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