La Saint-Hubert en Braconne (1865)
Mon cher Directeur, Les Sociétaires d'Hallali-Charente viennent de faire une magnifique chasse en Braconne, en l'honneur du divin patron des chasseurs. Seulement le dénouement de ce magnifique laisser-courre a failli devenir tragique. Vous en jugerez par ce compte rendu que je vous adresse à la hâte.
Le 14 dernier, à neuf heures du matin, le piqueur de M. Lassée brisait à vue, dans les enceintes de Jauvigières, sur un vieux dix-cors qui, dès le lancer, avait manifesté des intentions hostiles, en faisant mine de charger ce jeune homme, qui n'avait échappé à ce danger imprévu qu'en saluant l'animal des deux fanfares de circonstances : la Vue et la Royale.
Une demi-heure après, les chiens réunis de MM. Lassée, baron Des Graviers et Roux de Reilhac, étaient découplés sur la brisée et partaient à fond de train sur cette voie saignaale.
L'animal, vigoureusement poussé, contourne la maison forestière de la Jauvigière, prend l'eau à la mare du même nom; traverse les tailles du Logis de la Fosse, celle des Guille-Douc et s'engage, en plaine, dans la direction du bourg de Brie; se fait relancer dans un petit bois et rentre en forêt par son contre; retourne à son lancer, traverse les enceintes de la Jauvigières, de la Grande-Fosse, saute la route d'Angoulême à Chasseneuil, prend l'eau au lac du Rossignol, traverse l'immense quartier de Glanges, le village du même nom, situé au milieu des bois, et débuche dans les vignes, jusque dans les douves du château de Fayolle, dont nous admirons, en passant au galop, les imposantes ruines et la magnifique position, qui domine au loin toute la contrée. Puis, toujours courant à une allure que nous avons peine à suivre, le cerf obliqué un peu sur la gauche, traverse deux ou trois villages dont le nom m'échappe; bientôt il est aperçu sur une éminence, majestueusement campé, attendant la mèute de pied ferme. Au bruit des trompes il se décide à courir encore quelques centaines de mètres; mais il est bien vitè rejoint par les chiens qui lui mordent les jarrets. C'est alors que commence un hallali des plus émouvants. Le cerf, en furie, charge les chiens à outrance; plusieurs sont foulés et blessés; mon fils, qui aime ses chiens plus que lui-même, se précipite, le couteau de chasse au poing, à l'aide des braves toutous, mais il est chargé, renversé par le cerf, qui le foule aux pieds et lui passe sur le corps, heureusement sans le blessér. Mon piqueur Buisson, résolument accouru au secours de son jeune maître, a le même sort; moins heureux, il reçoit un coup d'andouiller qui lui laboure la cuisse; mais le brave garçon, en tombant, a pu frapper d'un vigoureux coup de dague ce terrible animal qui s'affaissé pour ne plus se relever, à la grande satisfaction des témoins justement inquiets de cette scène, qui, bien que grandiose, pouvait devenir désastreuse.
Nul doute que, du haut des cieux le grand saint Hubert veille sur ses disciples; il n'a pas permis qu'un malheur vint attrister une journée qui lui était consacrée par bon nombre des plus fervents. Grâces donc lui soient rendues au plus haut des cieux. J'espère que le blessé en sera quitte pour une quinzaine de jours de repos forcé.
Cette superbe chasse a duré deux heures; le cerf était énorme de taille et portait un bois magnifique. Il avait été si durement mené, sur ce terrain couvert de pierres, qu'il était complètement dessolé. Étaient présents à l'hallali, Sociétaires : MM. A. Lassée, L. Lassée, baron Des Graviers, de Ferrières, de Lavigerie, E. Machenaud, de Reilhac (père et fils). Invités : MM. S. Auguis, L. Duquérois, G. Callaud, Bernard, G. de Nieuil, de Magnac, G. de Saluces. Je saisis cette occasion, mon cher Directeur, pour · vous renouveler mes sentiments de gratitude pour les deux fox-hounds que vous avez eu la bonté de me procurer, ils se sont vaillamment comportés à cette chasse. J'espère bien en tirer excellente et nombreuse lignée.
Victor Roux de Reilhac.
(Journal des chasseurs, de Léon Bertrand)
Le 14 dernier, à neuf heures du matin, le piqueur de M. Lassée brisait à vue, dans les enceintes de Jauvigières, sur un vieux dix-cors qui, dès le lancer, avait manifesté des intentions hostiles, en faisant mine de charger ce jeune homme, qui n'avait échappé à ce danger imprévu qu'en saluant l'animal des deux fanfares de circonstances : la Vue et la Royale.
Une demi-heure après, les chiens réunis de MM. Lassée, baron Des Graviers et Roux de Reilhac, étaient découplés sur la brisée et partaient à fond de train sur cette voie saignaale.
L'animal, vigoureusement poussé, contourne la maison forestière de la Jauvigière, prend l'eau à la mare du même nom; traverse les tailles du Logis de la Fosse, celle des Guille-Douc et s'engage, en plaine, dans la direction du bourg de Brie; se fait relancer dans un petit bois et rentre en forêt par son contre; retourne à son lancer, traverse les enceintes de la Jauvigières, de la Grande-Fosse, saute la route d'Angoulême à Chasseneuil, prend l'eau au lac du Rossignol, traverse l'immense quartier de Glanges, le village du même nom, situé au milieu des bois, et débuche dans les vignes, jusque dans les douves du château de Fayolle, dont nous admirons, en passant au galop, les imposantes ruines et la magnifique position, qui domine au loin toute la contrée. Puis, toujours courant à une allure que nous avons peine à suivre, le cerf obliqué un peu sur la gauche, traverse deux ou trois villages dont le nom m'échappe; bientôt il est aperçu sur une éminence, majestueusement campé, attendant la mèute de pied ferme. Au bruit des trompes il se décide à courir encore quelques centaines de mètres; mais il est bien vitè rejoint par les chiens qui lui mordent les jarrets. C'est alors que commence un hallali des plus émouvants. Le cerf, en furie, charge les chiens à outrance; plusieurs sont foulés et blessés; mon fils, qui aime ses chiens plus que lui-même, se précipite, le couteau de chasse au poing, à l'aide des braves toutous, mais il est chargé, renversé par le cerf, qui le foule aux pieds et lui passe sur le corps, heureusement sans le blessér. Mon piqueur Buisson, résolument accouru au secours de son jeune maître, a le même sort; moins heureux, il reçoit un coup d'andouiller qui lui laboure la cuisse; mais le brave garçon, en tombant, a pu frapper d'un vigoureux coup de dague ce terrible animal qui s'affaissé pour ne plus se relever, à la grande satisfaction des témoins justement inquiets de cette scène, qui, bien que grandiose, pouvait devenir désastreuse.
Nul doute que, du haut des cieux le grand saint Hubert veille sur ses disciples; il n'a pas permis qu'un malheur vint attrister une journée qui lui était consacrée par bon nombre des plus fervents. Grâces donc lui soient rendues au plus haut des cieux. J'espère que le blessé en sera quitte pour une quinzaine de jours de repos forcé.
Cette superbe chasse a duré deux heures; le cerf était énorme de taille et portait un bois magnifique. Il avait été si durement mené, sur ce terrain couvert de pierres, qu'il était complètement dessolé. Étaient présents à l'hallali, Sociétaires : MM. A. Lassée, L. Lassée, baron Des Graviers, de Ferrières, de Lavigerie, E. Machenaud, de Reilhac (père et fils). Invités : MM. S. Auguis, L. Duquérois, G. Callaud, Bernard, G. de Nieuil, de Magnac, G. de Saluces. Je saisis cette occasion, mon cher Directeur, pour · vous renouveler mes sentiments de gratitude pour les deux fox-hounds que vous avez eu la bonté de me procurer, ils se sont vaillamment comportés à cette chasse. J'espère bien en tirer excellente et nombreuse lignée.
Victor Roux de Reilhac.
(Journal des chasseurs, de Léon Bertrand)