La bataille d'Heilsberg par Jean Thiry
Le 10 juin au matin, l'Armée se mit en marche sur Heilsberg, située sur l’Alle, dans la direction de Friedland. L'armée russe y était campée sur les deux rives et sur des hauteurs, où se trouvaient des redoutes ; quatre ponts reliaient la rive droite à la rive gauche pour permettre de rapides mouvements de troupes. L'armée française étant attendue sur la rive gauche, Bennigsen y avait établi le gros de ses forces, à l'abri d'une nombreuse artillerie postée dans trois redoutes où se trouvait le corps de Kamenski. Douze bataillons servaient de réserve ; à droite, se trouvaient les cavaleries russe et prussienne ; les cosaques avaient pris position à l'extrême droite. Sur la rive droite, Bennigsen avait seulement placé la division Bagration et la garde impériale russe. L'ensemble de ce dispositif était imposant et il était de nature à empêcher l'avance d'un ennemi moins résolu que n'étaient alors les soldats français.
Murat, avec la cavalerie, et Soult, avec son corps d’armée, formaient l'avant-garde de la Grande Armée. La prudence eût voulu qu'en voyant l'armée russe, ces deux maréchaux attendissent les renforts amenés par l'Empereur. Mais Murat se précipita sur les redoutes et une partie du corps de Soult fut reçue par une mitraille et une fusillade qui firent de grands ravages. Cavaliers et fantassins durent rebrousser chemin. Les escadrons de Murat vinrent se reformer en arrière, mais sur la droite une division d'infanterie tout entière lâcha pied et recula dans le plus grand désordre en criant néanmoins : « Vive l’Empereur ! » comme si elle eût marché à l'ennemi. Murat en frémit de rage, faisant des bonds d'un pied sur son cheval et ordonnant à ses aides de camp d'aller rallier les fuyards : « C'est votre métier, Messieurs, leur disait-il, partez. » Malgré cet incident, les régiments de Soult, de position en position, repoussèrent l'ennemi jusqu'à une ligne de redoutes construites à un quart de lieue d'Heilsberg. L'infanterie française, animée par le succès, enleva quelques-unes de ces redoutes, mais elle fut repoussée finalement par la nombreuse artillerie de position de l'ennemi et par les importants renforts qu'il recevait constamment
L'Empereur qui était arrivé sur le champ de bataille, voyant le désordre, ordonna à Savary de se porter en avant avec douze canons et la brigade de fusiliers de la Garde, composée de jeunes gens nouvellement arrivés. Savary, après avoir franchi un défilé, arriva sur le plateau, déploya ses deux bataillons et serra ses deux ailes en colonnes. Il fut aussitôt enveloppé par la déroute de notre cavalerie, qui revenait pêle-mêle sur le défilé avec la cavalerie russe. Il ouvrit le feu sur tout son front et il arriva à retarder la cavalerie russe, ce qui permit à la cavalerie française de se reformer.
Les Russes avaient fait suivre leur cavalerie par de l'artillerie et de l'infanterie, et Savary se trouvait en danger quand la division Saint-Hilaire qui était à sa droite, et la division Verdier, du corps de Lannes, qui était à sa gauche, joignirent leurs feux aux siens et arrêtèrent l'ennemi. Murat envoya à Savary l'ordre d'avancer, mais celui-ci dont l'artillerie ripostait avec rapidité à celle des Russes, répondit qu'il ne le pouvait pas. La division légère de Lasalle fut mise dans la déroute la plus complète et il se jeta dans un carré d'infanterie formé par un bataillon du 105e régiment pour ne pas être pris. Murat et Soult s'y trouvaient déjà. Ne se laissant pas entamer, bien qu'enveloppé de la cavalerie russe, ce bataillon fit une retraite en bon ordre, repoussant par un feu nourri toutes les charges des escadrons ennemis. Bien qu'en seconde ligne, les fusiliers chasseurs de la Garde eurent à soutenir un choc inattendu, celui du 14e de ligne qui, ébranlé, refluait en désordre sur eux. Menacés d'être entraînés par les fuyards, les fusiliers chasseurs n'hésitèrent pas à croiser la baïonnette sur ce régiment comme ils l'eussent fait sur l'ennemi et ils parvinrent ainsi à se maintenir et à faire reprendre l'offensive au 14e de ligne qui ne tarda pas à regagner le terrain perdu.
Les renforts français arrivaient ; la division Verdier, du corps de Lannes, déborda l'ennemi, afin de lui couper le chemin de Landsberg ; plusieurs divisions russes furent mises en déroute et à neuf heures du soir l'armée française était sur les retranchements de l'ennemi.
La nuit était tombée et 30 000 Français, exposés au feu de l'ennemi, avaient lutté victorieusement contre 90 000 Russes bien retranchés.
Napoléon passa la journée du 11 juin sur le champ de bataille, plaçant ses corps d'armée et ses divisions qui affluaient de manière à obtenir une bataille décisive. L'Empereur visita les blessés de la Garde entassés dans des hangars, évacués la veille par les Russes. Des bras et des jambes coupés, jetés, ça et là, autour des ambulances attestaient la gravité des blessures reçues. Entouré du maréchal Bessières et du chirurgien Larrey, l'Empereur parla aux blessés, donna des ordres pour les secourir. Un jeune officier polonais qui avait servi dans l'armée russe et qui, blessé, était d'une faiblesse extrême, dit à Napoléon : « Sire, faites-moi guérir, et je suivrai César, comme j'ai servi Alexandre. »
Le général Bennigsen qui avait la maladie de la pierre et qui souffrait cruellement, passa la nuit au bivouac, enveloppé dans son manteau. Il vit au jour arriver le corps de Lannes, puis à sa gauche, le corps de Davout, puis la Garde à pied et la Garde à cheval.
A quatre heures de l'après-midi, Napoléon ordonna à Davout de faire un changement de front par son extrémité droite, de telle sorte qu'il intercepta complètement le chemin d'Eylau.
Les Russes étaient ainsi bloqués dans leur camp retranché, sur la position qu'eux-mêmes avaient choisie. Mais Bennigsen, craignant d'être tourné par Davout, se décida à la retraite et il ordonna à Kamenski de partir le premier sur la route de Koenigsberg. Bennigsen se mit en marche dans le cours de la journée du 11 juin, sur la rive droite de l’Alle, marchant en quatre colonnes sur Barenstein.
Napoléon entra à quatre heures du matin à Heilsberg où il trouva plusieurs milliers de quintaux de farine et beaucoup de denrées de diverses sortes. La ville était pleine de blessés russes. Ses plans n'étaient pas changés et il voulait toujours marcher sur Konigsberg, base d'opérations de l'ennemi.
Source : Eylau, Friedland, Tilsit, de Jean Thiry.
Murat, avec la cavalerie, et Soult, avec son corps d’armée, formaient l'avant-garde de la Grande Armée. La prudence eût voulu qu'en voyant l'armée russe, ces deux maréchaux attendissent les renforts amenés par l'Empereur. Mais Murat se précipita sur les redoutes et une partie du corps de Soult fut reçue par une mitraille et une fusillade qui firent de grands ravages. Cavaliers et fantassins durent rebrousser chemin. Les escadrons de Murat vinrent se reformer en arrière, mais sur la droite une division d'infanterie tout entière lâcha pied et recula dans le plus grand désordre en criant néanmoins : « Vive l’Empereur ! » comme si elle eût marché à l'ennemi. Murat en frémit de rage, faisant des bonds d'un pied sur son cheval et ordonnant à ses aides de camp d'aller rallier les fuyards : « C'est votre métier, Messieurs, leur disait-il, partez. » Malgré cet incident, les régiments de Soult, de position en position, repoussèrent l'ennemi jusqu'à une ligne de redoutes construites à un quart de lieue d'Heilsberg. L'infanterie française, animée par le succès, enleva quelques-unes de ces redoutes, mais elle fut repoussée finalement par la nombreuse artillerie de position de l'ennemi et par les importants renforts qu'il recevait constamment
L'Empereur qui était arrivé sur le champ de bataille, voyant le désordre, ordonna à Savary de se porter en avant avec douze canons et la brigade de fusiliers de la Garde, composée de jeunes gens nouvellement arrivés. Savary, après avoir franchi un défilé, arriva sur le plateau, déploya ses deux bataillons et serra ses deux ailes en colonnes. Il fut aussitôt enveloppé par la déroute de notre cavalerie, qui revenait pêle-mêle sur le défilé avec la cavalerie russe. Il ouvrit le feu sur tout son front et il arriva à retarder la cavalerie russe, ce qui permit à la cavalerie française de se reformer.
Les Russes avaient fait suivre leur cavalerie par de l'artillerie et de l'infanterie, et Savary se trouvait en danger quand la division Saint-Hilaire qui était à sa droite, et la division Verdier, du corps de Lannes, qui était à sa gauche, joignirent leurs feux aux siens et arrêtèrent l'ennemi. Murat envoya à Savary l'ordre d'avancer, mais celui-ci dont l'artillerie ripostait avec rapidité à celle des Russes, répondit qu'il ne le pouvait pas. La division légère de Lasalle fut mise dans la déroute la plus complète et il se jeta dans un carré d'infanterie formé par un bataillon du 105e régiment pour ne pas être pris. Murat et Soult s'y trouvaient déjà. Ne se laissant pas entamer, bien qu'enveloppé de la cavalerie russe, ce bataillon fit une retraite en bon ordre, repoussant par un feu nourri toutes les charges des escadrons ennemis. Bien qu'en seconde ligne, les fusiliers chasseurs de la Garde eurent à soutenir un choc inattendu, celui du 14e de ligne qui, ébranlé, refluait en désordre sur eux. Menacés d'être entraînés par les fuyards, les fusiliers chasseurs n'hésitèrent pas à croiser la baïonnette sur ce régiment comme ils l'eussent fait sur l'ennemi et ils parvinrent ainsi à se maintenir et à faire reprendre l'offensive au 14e de ligne qui ne tarda pas à regagner le terrain perdu.
Les renforts français arrivaient ; la division Verdier, du corps de Lannes, déborda l'ennemi, afin de lui couper le chemin de Landsberg ; plusieurs divisions russes furent mises en déroute et à neuf heures du soir l'armée française était sur les retranchements de l'ennemi.
La nuit était tombée et 30 000 Français, exposés au feu de l'ennemi, avaient lutté victorieusement contre 90 000 Russes bien retranchés.
Napoléon passa la journée du 11 juin sur le champ de bataille, plaçant ses corps d'armée et ses divisions qui affluaient de manière à obtenir une bataille décisive. L'Empereur visita les blessés de la Garde entassés dans des hangars, évacués la veille par les Russes. Des bras et des jambes coupés, jetés, ça et là, autour des ambulances attestaient la gravité des blessures reçues. Entouré du maréchal Bessières et du chirurgien Larrey, l'Empereur parla aux blessés, donna des ordres pour les secourir. Un jeune officier polonais qui avait servi dans l'armée russe et qui, blessé, était d'une faiblesse extrême, dit à Napoléon : « Sire, faites-moi guérir, et je suivrai César, comme j'ai servi Alexandre. »
Le général Bennigsen qui avait la maladie de la pierre et qui souffrait cruellement, passa la nuit au bivouac, enveloppé dans son manteau. Il vit au jour arriver le corps de Lannes, puis à sa gauche, le corps de Davout, puis la Garde à pied et la Garde à cheval.
A quatre heures de l'après-midi, Napoléon ordonna à Davout de faire un changement de front par son extrémité droite, de telle sorte qu'il intercepta complètement le chemin d'Eylau.
Les Russes étaient ainsi bloqués dans leur camp retranché, sur la position qu'eux-mêmes avaient choisie. Mais Bennigsen, craignant d'être tourné par Davout, se décida à la retraite et il ordonna à Kamenski de partir le premier sur la route de Koenigsberg. Bennigsen se mit en marche dans le cours de la journée du 11 juin, sur la rive droite de l’Alle, marchant en quatre colonnes sur Barenstein.
Napoléon entra à quatre heures du matin à Heilsberg où il trouva plusieurs milliers de quintaux de farine et beaucoup de denrées de diverses sortes. La ville était pleine de blessés russes. Ses plans n'étaient pas changés et il voulait toujours marcher sur Konigsberg, base d'opérations de l'ennemi.
Source : Eylau, Friedland, Tilsit, de Jean Thiry.