Le château de Vibrac Charente
Vibrac (Charente) est à 5 kilomètres de Châteauneuf, sur la route de Jarnac. L'église, qui reinonte au XIIe siècle, a beaucoup souffert à l'époque des guerres. On a relevé au XVIe siècle la travée occidentale; mais ce n'est plus qu'un long bâtiment dépourvu de style, sans voûtes, aux murailles nues, sur lesquelles on aperçoit encore comme une ombre des anciens piliers disparus. Il y a au midi une chapelle dans le goût de l'église, et au nord, dans le mur de la nef, un enfoncement en forme d'arcature plein-ceintre ornée de moulures et portant, avec le millésime 1594, deux monogrammes formés l'un des lettres DHMG, l'autre des lettres SI entrelacées. La cloche est assez récente.
En entrant dans l'église, on voit à droite l'ancien presbytère , vendu comme bien national le 24 prairial an IV (12 juin 1796). Vibrac n'ayant pas été reconnu paroisse après la Révolution, est demeuré depuis lors réuni pour le culte à Saint-Simon dont il est très rapproché.
Vibrac était le siège d'une seigneurie qui, outre cette paroisse, comprenait Angeac-Charente, Saint-Amant-de-Graves en partie, et la portion est de Saint-Simon avec Hautemoure. Elle appartenait au moyen-âge aux seigneurs de Montchaude. Jovide, fille de Hugues de Montchaude, épousa au XIVe siècle Raymond de Mareuil, seigneur de Villebois, et lui porta Vibrac, dont l'histoire resta dès lors intimement liée à celle de la seigneurie de Villebois.
Geoffroy de Mareuil, fils de Raymond, fut seigneur de Villebois, Angeac et Vibrac. Il vivait sous Charles VI. Après lui vinrent successivement: Guy, du temps du comte Jean-le-Bon; Jean, fils de Guy; puis Guy Ile du nom, qui fut sénéchal d'Angoumois sous Louis XII et François Ier, et mourut en 1519. Il avait épousé Philippe Pesnel, d'où trois filles, Marguerite, Françoise et Jeanne de Mareuil; Catherine de Clermont, dont étaient nés François, mort en 1533, et Gabrielle qui, devenue son unique héritière, sut mariée par contrat du 29 septembre 1541, à Nicolas d'Anjou, marquis de Mézières, d'une branche bâtarde des rois de Naples. Le marquis de Mézières était gouverneur d'Angoulème lors de la seconde prise de cette ville par les protestants, en 1568. Renée d'Anjou, leur fille, épousa en 1566, François de Bourbon, duc de Montpensier, et mou rut jeune, laissant un fils unique, Henri de Bourbon, duc de Montpensier, né en 1573. Ce dernier vendit vers 1597 les terres de Villebois, Angeac et Vibrac à Jean-Louis de Nogaret de La Valette, duc d'Epernon, qui les transmit à son fils Bernard de Foix de La Valette, duc d'Epernon, de La Valette et de Candale.
En 1660, le duc d'Epernon vendit pour la somme de 540,000 livres à messire Philippe de Montault de Bénac, duc de Navailles, et à son épouse Suzanne de Baudéan, dame d'honneur de la reine, la seigneurie de La Valette, comprenant 21 paroisses, plus les châtellenies de Vibrac et Angeac, « consistant, la première en une paroisse appelée Saint Symon, et la seconde en deux paroisses appelées Graves et Saint-Amant-de-Graves », le tout en droit de haute, moyenne et basse justice.
Le duc de Navailles, maréchal de France, mourut le 5 février 1684. Il avait trois filles pour héritières : Françoise, mariée au duc d'Elbeuf; Gabrielle-Eléonore, au marquis de Rothelin; Gabrielle, qui épousa Hélie-Léonard de Pompadour, marquis de Laurière, baron de Nontron, grand sénéchal du Périgord.
Françoise de Pompadour, leur fille, baronne de Nontron, duchesse de La Valette, dame d'Angeac et Vibrac, épousa le 17 juin 1708, messire Philippe-Egon de Courcillon, marquis de Dangeau, brigadier des armées du roi, gouver neur de Touraine, dont elle devint veuve de bonne heure. Leur fille, Marie-Sophie de Courcillon, fut mariée : 1° le 20 janvier 1729 à Charles-François d'Albert d'Ailly, duc de Picquigny, pair de France, mort le 14 juin 1731; 2° le 2 septembre 1732, à Hercule-Mériadec de Rohan, duc de Rohan-Rohan, capitaine-lieutenant des gendarmes du roi, veuf d'Anne-Geneviève de Lévis-Ventadour (Anselme).
Le marquis de Courcillon était criblé de dettes. Ses biens furent saisis et vendus en partie pour satisfaire les créanciers. La Valette, Angeac et Vibrac passèrent aux héritiers de Mme de Courcillon, qui les vendirent un peu après 1784, à la veille de la Révolution.
Le château de Vibrac, aujourd'hui complètement en ruines, existait lors des guerres de religion, car il est mentionné dans le rapport du duc d'Anjou à Charles IX sur la bataille de Jarnac, le 13 mars 1569.
Bâti par les sieurs de Mareuil, il était délicieusement assis dans une île de la Charente, qui, en cet endroit, se ramifie en mille manières pour former une infinité d'iles et d'îlots boisés. Tous ces cours d'eau, outre l'agrément qu'ils procuraient, formaient un système de défense naturelle, sans compter que le château lui-même est bastionné.
On y accède par plusieurs ponts de pierre successifs. Le long de la façade règne une large terrasse à balustres en pierre, soutenue par trois grandes arcades voûtées, et sur laquelle viennent s'ouvrir les appartements. Deux de ces arcades sont surbaissées; la troisième, celle du milieu, est en plein-ceintre et correspond au portail d'entrée, au-dessus duquel on voit sculptés dans la pierre les insignes de l'Ordre royal du Saint-Esprit : la colombe aux ailes étendues sur la croix à huit pointes.
Le corps de logis était vaste et avait la forme d'un quadrilatère entourant la cour d'honneur. Un des côtés est totale ment détruit, et le reste n'en vaut guère mieux. On ne voit de tous côtés que murs écroulés, fenêtres brisées, escaliers démolis, voûtes et planchers effondrés. La ruine va très vite depuis quelques années, et l'on est même étonné de voir ces pans de murailles découverts résister si longtemps aux tempêtes et aux inondations.
Si jamais vous allez visiter le château de Vibrac, choisissez un beau jour d'été, asseyez-vous sur l'herbe, et là, tandis que vos oreilles seront frappées par le bruissement du vent à travers cette forêt de saules et de peupliers, et par le fracas monotone des chutes d'eau, barrages, essarts et moulins, vous sentirez votre âme inondée d'une mélancolique pitié, en portant les yeux sur ce vieux cadavre de pierre gisant au milieu de cette nature si vivante, si animée.
Le château de Vibrac ne paraît pas avoir été beaucoup habité par ses maîtres, surtout à partir du XVIIe siècle; les grands seigneurs qui le possédaient avaient tant d'autres terres et châteaux ! A peine trouvons-nous dans les registres de la paroisse un ou deux actes où il est mentionné. C'est ainsi qu'en 1654, nous lisons dans un acte de baptême : « Parrain, M. Vignial, capitaine pour M. le duc d'Espernon au château de Vibrac ». Ce titre de capitaine et cette date de 1651 nous rappellent que nous sommes au temps de la Fronde, et en l'année même du siège de Cognac par les révoltés. Nous trouvons encore l'année suivante, 31 mai 1652, le baptême de Gabriel Vignial, fils de Gabriel Vignial, « receveur de Monsieur le duc d'Espernon ès provinces d'Angoulmois, de Xaintonge, et capitaine du chasteau de Vibrac ». Et c'est tout ou à peu près. Au XVIIIe siècle, Mme de Courcillon est dite, dans plusieurs titres, habitant à Paris en son hôtel, rue de Bourbon, faubourg Saint-Germain. Vibrac était alors affermé.
On voit encore au bourg de Vibrac un ancien logis, avec un vaste domaine aujourd'hui morcelé. Le tout a appartenu ces trois derniers siècles, à la famille Dexmier dont plusieurs membres exercèrent des charges dans les finances de l'élec tion de Cognac. Raymond Dexmier, sieur de Bélair, était en 1659 conseiller du roi, élu en l'élection de Cognac; d'au tres furent de père en fils receveurs des tailles. Pierre Dexmier, sieur de La Groix, fut aussi échevin, puis maire de Cognac de 1752 à 1757, et de 1769 à 1772. Son fils, Pierre Dexmier de La Groix des Barreaux, était encore rece veur des tailles à la Révolution. La maison de Vibrac a ap partenu en dernier lieu à Jean-Pierre-Michel Dexmier de La Groix, receveur particulier des finances de l'élection de Cognac, et dame Marguerite Fé, son épouse, dont la fille, Marguerite Dexmier de La Groix, épousa, le 12 nivôse an XII (3 janvier 1804), M. Gabriel de Frétard, fils de feu Charles de Frétard, et de vivante Anne Philippier, demeurant à Bois-au-Roux, commune de Rouillac (Charente). Mme de Frélard mourut sans enfants le 8 avril 1830, et ses héritiers vendirent le domaine et la maison, qui appar tiennent maintenant à plusieurs propriétaires.
Quant à M. de Frétard, il alla habiter le logis de Gondeville acquis de M. de Mirebeau, et y mourut en 1837, laissant de son second mariage avec Mlle Agathe-Eustelle de La Charlonie, de Villars-Marange, une fille unique, Gabrielle de Frétard, qui épousa M. Eusébe Piet, de La Descenderie, et mourut en 1886.
Il y avait autrefois sur le chemin de Vibrac à Moulidars, et à la limite des deux paroisses, une vieille chapelle où se faisait chaque année une procession solennelle, le jour de l'Assomption. On l'appelait N.-D. de Bonne-Rencontre, et plus communément N.-D. des Fossés, peut-être parce qu'elle était bâlie sur le bord même de l'ancien Fossé-du-Comte. Cette procession devait être le but d'un grand concours populaire, car la frairie ou assemblée se tient toujours à Vibrac le jour de l'Assomption, alors que la fête patronale est la St-Pierre-és-Liens. Cette chapelle, délaissée au moment de la Révolution, sut vendue nationalement le 8 messidor an IV (26 juin 1796) pour la somme de 270 francs, à M. François Hospitel de Lhomandie, avoué à Angoulême. Le procès verbal, qui en fut dressé alors, nous apprend que ses proportions étaient assez vastes, puisqu'elle avait 60 pieds de long. Elle n'était point voûtée, mais simplement munie d'un tillage en bois, et se trouvait en mauvais état, n'ayant reçu aucun entretien depuis 1790. Complètement démolie, les matériaux en furent vendus, et il ne l'este plus d'elle, aujourd'hui, que l'emplacement marqué par un tertre buis sonneux, à l'embranchement de la route de Vibrac à Echallat, et des chemins qui descendent de Moulidars.
Plusieurs actes de l'ancien état civil parlent de la chapelle. Des personnes de distinction y furent inhumées, entre autres Josias Méhée, sieur de La Ferrière (voir p. 40, note); et « Louyse Rondeau....., par Monseigneur nostre évesque d'Amgoulesme, le douziesme octobre 1661. » Le 31 octobre 1677, Jean Dexmier, sieur de La Garenne, et Anne Gesmond sa femme, firent donation solennelle d'une lampe d'argent, pour être portée chaque année le 15 août, à la procession, « en la chapelle de N.-D. des Fossés ?».
Nous ne terminerons pas cette étude sur Vibrac, sans donner les trois notes suivantes extraites des anciens registres de la paroisse. Ces registres remontent à 1584.
1° Tempête. « Le 9e jour du moys de jullet 1598, le joudy soir, entre soleilh couché et jour failly, scesleva une si grande tempeste avec esclaires et thonneres et grand mouvement de vent, telement qu'il ne y avoit personne qui pust ressister dehors; et dura ladite esmotion de vant environ une heure et demye. Lequel vent arracha ung nombre infiny d'arbres fructiers, et porta fort grand domage en ce pays d'Angoumois. Et estans a présent résidant en ce lieu de Vibrac disent : A fulgure et tempestate deffende nobis Domine ».
«Faict par moy vicairo soubz signé. »
« Degozauld. »
2° Peste. « Il a pleut à Dieu nous affliger de mal contagieus en ceste paroisse de St-Pierre Vibrac Charante, en lanée presancte 1631. Et en sont morts ceulx qui sans suive, et premièrement,.. L. Desforges, curé de Vibrac. »
Suit une longue liste, jour par jour, des personnes décédées, avec noms, prénoms, âge et condition. Du 24 avril au 23 septembre on en compte 174, et encore il manque au registre un feuillet à cet endroit, ce qui nous prive de connaître le nombre total des victimes du fléau, et de lire les réflexions que cette calamité a dû inspirer au vénérable curé Desforges. Qu'on essaie de s’imaginer l'état dans lequel devait être une bourgade qui jamais n'a guère compté plus de 500 âmes !
3° Trombe. « Le 21 juin de la présente année (1724), vers les 3 leures après midy, il s'est élevé un orage si terrible aux environs de cette paroisse et en celle de Moulidars, que l'eau a rempli dans moins d'une demi-heure toutes les rues de ce bourg; avec une telle rapidité que, si l'orage eût arrivé de nuit, plusieurs personnes eussent été submergées dans leurs maisons. L'eau, qui venoit de Moulidars comme un vray torrent, a fait son passage par les terres de la chapelle de Vibrat, et a suivi comme une rivière portant bateau, dans tous les vallons, et ensuite s'estant toute rassemblée comme plusieurs fleuves, a fondu dans ce bourg avec telle impétuosité, qu'il sembloit arri ver un nouveau déluge. Ce cambouil (sic) si terrible a perdu tous les bleds des valées de cette paroisse; et l'herbe des prés du clos de M. de La Groix, vis à vis la métairie, i été tout en-. traînée dans la rivière, à la réserve de deux charetées qui avoient été chargées avant l'orage. On peut juger de ce que c'étoit, lorsqu'on apprendra que pendant trois ou quatre heures après l'orage, le torrent a couru depuis la métairie qui est sur le chemin de Châteauneuf, en remontant dans le bourg, et qu'elle (sic) a pris son passage par le chemin le long de la mai son de Sureau et Souchet, pour aler à la rivière, le chemin bas n'ayant pas été suffisant pour son passage. Le tout est arrivée sans gresle, mais avec un tonnerre effrayant. »
« Pinier, curé. »
Annexe.
Curés de la paroisse de Saint-Pierre-ès-Liens de Vibrac, d'après les registres.
La date indique l'entrée en fonctions.
1584. Claud Ouvrard, vicaire. — 1594. Guy, vicaire. — 1597. Jean Tousac, vicaire. — 1598. Degozauld, vicaire. — 1600. Delaborie, vicaire. — 1602. Guillaume Leroy, vicaire. 1605. Jean Leclerc, vicaire. — 1606. Delacoste, vicaire. — 1611. Jardin, vicaire. — 1613. Grellet, vicaire. — 1614. Pinault, vicaire. — 1616. Mathurin Girard, vicaire. — 1616. Léonard Desforges, curé. — 1636. Guillaume Giboury, vicaire. — 1641. de Mérignac, vicaire. — 1645. Guillaume Giboury, curé. — 1663. Claude du Bray, curé. 1665. — Pierre Dubois, curé. — 1672. Etienne de La Chassaigne, curé. — 1674. Bourilhon, vicaire. 1682. Jean Nouveau, curé. — 1684. Chesnaud, vicaire. 1685. Jean Venaud, curé 3. 1708. Jean Pinier, curé. — 1741. Marc-Antoine de La Martinière, curé. — 1753. Pierre Prévost du Las, curé. — 1768. Bitard-Lacombe, vicaire. — 1770. Thomas, vicaire. — 1771. De Prémont, vicaire. — 1774. Houmaux, vicaire. — 1775. Lousmeau-Dupont, vicaire. — 1777. Jean Guimard, curé. — 1791. Etienne Tiffon, curé constitutionnel.
Voici l'acte de baptême de l'ancienne cloche : « Le dix et huictiesme jour de febvrier mil six cent quarante et six, nostre cloche de Saint-Pierre de Vibrac a esté béniste par moy curé soubz signé, avec permission de Monseigneur l'évesque d'Angoulesme, présent les tesmoins soubz signés et autres. Ont esté parrein et marreine Jozias Mehée, escuyer, sieur de la Ferrière d'Anqueville et de la Courade de Vibrac, et damoyzelle Charlotte Laisné, veufve de François Le Musnier, escuyer, sieur de Lartige, de Ruffignac et autres lieux, conseiller et président de l'élection d'Angoulmois. Et ledit sieur parrein aagé le soixante ans anviron, et laditte damoyselle marreinne aagée de quattre vingt sept ou huict ans anviron, qui ont signé comme scosuit : J. Méhée, Charlote Laisné, Feuillet. Piffre, pbre assistant, Dexmyer. Roy. G. Giboury, curé de Vibrac. »
Source : Le château d'Ardenne et la seigneurie de Moulidars, de Gabriel Tricoire.
En entrant dans l'église, on voit à droite l'ancien presbytère , vendu comme bien national le 24 prairial an IV (12 juin 1796). Vibrac n'ayant pas été reconnu paroisse après la Révolution, est demeuré depuis lors réuni pour le culte à Saint-Simon dont il est très rapproché.
Vibrac était le siège d'une seigneurie qui, outre cette paroisse, comprenait Angeac-Charente, Saint-Amant-de-Graves en partie, et la portion est de Saint-Simon avec Hautemoure. Elle appartenait au moyen-âge aux seigneurs de Montchaude. Jovide, fille de Hugues de Montchaude, épousa au XIVe siècle Raymond de Mareuil, seigneur de Villebois, et lui porta Vibrac, dont l'histoire resta dès lors intimement liée à celle de la seigneurie de Villebois.
Geoffroy de Mareuil, fils de Raymond, fut seigneur de Villebois, Angeac et Vibrac. Il vivait sous Charles VI. Après lui vinrent successivement: Guy, du temps du comte Jean-le-Bon; Jean, fils de Guy; puis Guy Ile du nom, qui fut sénéchal d'Angoumois sous Louis XII et François Ier, et mourut en 1519. Il avait épousé Philippe Pesnel, d'où trois filles, Marguerite, Françoise et Jeanne de Mareuil; Catherine de Clermont, dont étaient nés François, mort en 1533, et Gabrielle qui, devenue son unique héritière, sut mariée par contrat du 29 septembre 1541, à Nicolas d'Anjou, marquis de Mézières, d'une branche bâtarde des rois de Naples. Le marquis de Mézières était gouverneur d'Angoulème lors de la seconde prise de cette ville par les protestants, en 1568. Renée d'Anjou, leur fille, épousa en 1566, François de Bourbon, duc de Montpensier, et mou rut jeune, laissant un fils unique, Henri de Bourbon, duc de Montpensier, né en 1573. Ce dernier vendit vers 1597 les terres de Villebois, Angeac et Vibrac à Jean-Louis de Nogaret de La Valette, duc d'Epernon, qui les transmit à son fils Bernard de Foix de La Valette, duc d'Epernon, de La Valette et de Candale.
En 1660, le duc d'Epernon vendit pour la somme de 540,000 livres à messire Philippe de Montault de Bénac, duc de Navailles, et à son épouse Suzanne de Baudéan, dame d'honneur de la reine, la seigneurie de La Valette, comprenant 21 paroisses, plus les châtellenies de Vibrac et Angeac, « consistant, la première en une paroisse appelée Saint Symon, et la seconde en deux paroisses appelées Graves et Saint-Amant-de-Graves », le tout en droit de haute, moyenne et basse justice.
Le duc de Navailles, maréchal de France, mourut le 5 février 1684. Il avait trois filles pour héritières : Françoise, mariée au duc d'Elbeuf; Gabrielle-Eléonore, au marquis de Rothelin; Gabrielle, qui épousa Hélie-Léonard de Pompadour, marquis de Laurière, baron de Nontron, grand sénéchal du Périgord.
Françoise de Pompadour, leur fille, baronne de Nontron, duchesse de La Valette, dame d'Angeac et Vibrac, épousa le 17 juin 1708, messire Philippe-Egon de Courcillon, marquis de Dangeau, brigadier des armées du roi, gouver neur de Touraine, dont elle devint veuve de bonne heure. Leur fille, Marie-Sophie de Courcillon, fut mariée : 1° le 20 janvier 1729 à Charles-François d'Albert d'Ailly, duc de Picquigny, pair de France, mort le 14 juin 1731; 2° le 2 septembre 1732, à Hercule-Mériadec de Rohan, duc de Rohan-Rohan, capitaine-lieutenant des gendarmes du roi, veuf d'Anne-Geneviève de Lévis-Ventadour (Anselme).
Le marquis de Courcillon était criblé de dettes. Ses biens furent saisis et vendus en partie pour satisfaire les créanciers. La Valette, Angeac et Vibrac passèrent aux héritiers de Mme de Courcillon, qui les vendirent un peu après 1784, à la veille de la Révolution.
Le château de Vibrac, aujourd'hui complètement en ruines, existait lors des guerres de religion, car il est mentionné dans le rapport du duc d'Anjou à Charles IX sur la bataille de Jarnac, le 13 mars 1569.
Bâti par les sieurs de Mareuil, il était délicieusement assis dans une île de la Charente, qui, en cet endroit, se ramifie en mille manières pour former une infinité d'iles et d'îlots boisés. Tous ces cours d'eau, outre l'agrément qu'ils procuraient, formaient un système de défense naturelle, sans compter que le château lui-même est bastionné.
On y accède par plusieurs ponts de pierre successifs. Le long de la façade règne une large terrasse à balustres en pierre, soutenue par trois grandes arcades voûtées, et sur laquelle viennent s'ouvrir les appartements. Deux de ces arcades sont surbaissées; la troisième, celle du milieu, est en plein-ceintre et correspond au portail d'entrée, au-dessus duquel on voit sculptés dans la pierre les insignes de l'Ordre royal du Saint-Esprit : la colombe aux ailes étendues sur la croix à huit pointes.
Le corps de logis était vaste et avait la forme d'un quadrilatère entourant la cour d'honneur. Un des côtés est totale ment détruit, et le reste n'en vaut guère mieux. On ne voit de tous côtés que murs écroulés, fenêtres brisées, escaliers démolis, voûtes et planchers effondrés. La ruine va très vite depuis quelques années, et l'on est même étonné de voir ces pans de murailles découverts résister si longtemps aux tempêtes et aux inondations.
Si jamais vous allez visiter le château de Vibrac, choisissez un beau jour d'été, asseyez-vous sur l'herbe, et là, tandis que vos oreilles seront frappées par le bruissement du vent à travers cette forêt de saules et de peupliers, et par le fracas monotone des chutes d'eau, barrages, essarts et moulins, vous sentirez votre âme inondée d'une mélancolique pitié, en portant les yeux sur ce vieux cadavre de pierre gisant au milieu de cette nature si vivante, si animée.
Le château de Vibrac ne paraît pas avoir été beaucoup habité par ses maîtres, surtout à partir du XVIIe siècle; les grands seigneurs qui le possédaient avaient tant d'autres terres et châteaux ! A peine trouvons-nous dans les registres de la paroisse un ou deux actes où il est mentionné. C'est ainsi qu'en 1654, nous lisons dans un acte de baptême : « Parrain, M. Vignial, capitaine pour M. le duc d'Espernon au château de Vibrac ». Ce titre de capitaine et cette date de 1651 nous rappellent que nous sommes au temps de la Fronde, et en l'année même du siège de Cognac par les révoltés. Nous trouvons encore l'année suivante, 31 mai 1652, le baptême de Gabriel Vignial, fils de Gabriel Vignial, « receveur de Monsieur le duc d'Espernon ès provinces d'Angoulmois, de Xaintonge, et capitaine du chasteau de Vibrac ». Et c'est tout ou à peu près. Au XVIIIe siècle, Mme de Courcillon est dite, dans plusieurs titres, habitant à Paris en son hôtel, rue de Bourbon, faubourg Saint-Germain. Vibrac était alors affermé.
On voit encore au bourg de Vibrac un ancien logis, avec un vaste domaine aujourd'hui morcelé. Le tout a appartenu ces trois derniers siècles, à la famille Dexmier dont plusieurs membres exercèrent des charges dans les finances de l'élec tion de Cognac. Raymond Dexmier, sieur de Bélair, était en 1659 conseiller du roi, élu en l'élection de Cognac; d'au tres furent de père en fils receveurs des tailles. Pierre Dexmier, sieur de La Groix, fut aussi échevin, puis maire de Cognac de 1752 à 1757, et de 1769 à 1772. Son fils, Pierre Dexmier de La Groix des Barreaux, était encore rece veur des tailles à la Révolution. La maison de Vibrac a ap partenu en dernier lieu à Jean-Pierre-Michel Dexmier de La Groix, receveur particulier des finances de l'élection de Cognac, et dame Marguerite Fé, son épouse, dont la fille, Marguerite Dexmier de La Groix, épousa, le 12 nivôse an XII (3 janvier 1804), M. Gabriel de Frétard, fils de feu Charles de Frétard, et de vivante Anne Philippier, demeurant à Bois-au-Roux, commune de Rouillac (Charente). Mme de Frélard mourut sans enfants le 8 avril 1830, et ses héritiers vendirent le domaine et la maison, qui appar tiennent maintenant à plusieurs propriétaires.
Quant à M. de Frétard, il alla habiter le logis de Gondeville acquis de M. de Mirebeau, et y mourut en 1837, laissant de son second mariage avec Mlle Agathe-Eustelle de La Charlonie, de Villars-Marange, une fille unique, Gabrielle de Frétard, qui épousa M. Eusébe Piet, de La Descenderie, et mourut en 1886.
Il y avait autrefois sur le chemin de Vibrac à Moulidars, et à la limite des deux paroisses, une vieille chapelle où se faisait chaque année une procession solennelle, le jour de l'Assomption. On l'appelait N.-D. de Bonne-Rencontre, et plus communément N.-D. des Fossés, peut-être parce qu'elle était bâlie sur le bord même de l'ancien Fossé-du-Comte. Cette procession devait être le but d'un grand concours populaire, car la frairie ou assemblée se tient toujours à Vibrac le jour de l'Assomption, alors que la fête patronale est la St-Pierre-és-Liens. Cette chapelle, délaissée au moment de la Révolution, sut vendue nationalement le 8 messidor an IV (26 juin 1796) pour la somme de 270 francs, à M. François Hospitel de Lhomandie, avoué à Angoulême. Le procès verbal, qui en fut dressé alors, nous apprend que ses proportions étaient assez vastes, puisqu'elle avait 60 pieds de long. Elle n'était point voûtée, mais simplement munie d'un tillage en bois, et se trouvait en mauvais état, n'ayant reçu aucun entretien depuis 1790. Complètement démolie, les matériaux en furent vendus, et il ne l'este plus d'elle, aujourd'hui, que l'emplacement marqué par un tertre buis sonneux, à l'embranchement de la route de Vibrac à Echallat, et des chemins qui descendent de Moulidars.
Plusieurs actes de l'ancien état civil parlent de la chapelle. Des personnes de distinction y furent inhumées, entre autres Josias Méhée, sieur de La Ferrière (voir p. 40, note); et « Louyse Rondeau....., par Monseigneur nostre évesque d'Amgoulesme, le douziesme octobre 1661. » Le 31 octobre 1677, Jean Dexmier, sieur de La Garenne, et Anne Gesmond sa femme, firent donation solennelle d'une lampe d'argent, pour être portée chaque année le 15 août, à la procession, « en la chapelle de N.-D. des Fossés ?».
Nous ne terminerons pas cette étude sur Vibrac, sans donner les trois notes suivantes extraites des anciens registres de la paroisse. Ces registres remontent à 1584.
1° Tempête. « Le 9e jour du moys de jullet 1598, le joudy soir, entre soleilh couché et jour failly, scesleva une si grande tempeste avec esclaires et thonneres et grand mouvement de vent, telement qu'il ne y avoit personne qui pust ressister dehors; et dura ladite esmotion de vant environ une heure et demye. Lequel vent arracha ung nombre infiny d'arbres fructiers, et porta fort grand domage en ce pays d'Angoumois. Et estans a présent résidant en ce lieu de Vibrac disent : A fulgure et tempestate deffende nobis Domine ».
«Faict par moy vicairo soubz signé. »
« Degozauld. »
2° Peste. « Il a pleut à Dieu nous affliger de mal contagieus en ceste paroisse de St-Pierre Vibrac Charante, en lanée presancte 1631. Et en sont morts ceulx qui sans suive, et premièrement,.. L. Desforges, curé de Vibrac. »
Suit une longue liste, jour par jour, des personnes décédées, avec noms, prénoms, âge et condition. Du 24 avril au 23 septembre on en compte 174, et encore il manque au registre un feuillet à cet endroit, ce qui nous prive de connaître le nombre total des victimes du fléau, et de lire les réflexions que cette calamité a dû inspirer au vénérable curé Desforges. Qu'on essaie de s’imaginer l'état dans lequel devait être une bourgade qui jamais n'a guère compté plus de 500 âmes !
3° Trombe. « Le 21 juin de la présente année (1724), vers les 3 leures après midy, il s'est élevé un orage si terrible aux environs de cette paroisse et en celle de Moulidars, que l'eau a rempli dans moins d'une demi-heure toutes les rues de ce bourg; avec une telle rapidité que, si l'orage eût arrivé de nuit, plusieurs personnes eussent été submergées dans leurs maisons. L'eau, qui venoit de Moulidars comme un vray torrent, a fait son passage par les terres de la chapelle de Vibrat, et a suivi comme une rivière portant bateau, dans tous les vallons, et ensuite s'estant toute rassemblée comme plusieurs fleuves, a fondu dans ce bourg avec telle impétuosité, qu'il sembloit arri ver un nouveau déluge. Ce cambouil (sic) si terrible a perdu tous les bleds des valées de cette paroisse; et l'herbe des prés du clos de M. de La Groix, vis à vis la métairie, i été tout en-. traînée dans la rivière, à la réserve de deux charetées qui avoient été chargées avant l'orage. On peut juger de ce que c'étoit, lorsqu'on apprendra que pendant trois ou quatre heures après l'orage, le torrent a couru depuis la métairie qui est sur le chemin de Châteauneuf, en remontant dans le bourg, et qu'elle (sic) a pris son passage par le chemin le long de la mai son de Sureau et Souchet, pour aler à la rivière, le chemin bas n'ayant pas été suffisant pour son passage. Le tout est arrivée sans gresle, mais avec un tonnerre effrayant. »
« Pinier, curé. »
Annexe.
Curés de la paroisse de Saint-Pierre-ès-Liens de Vibrac, d'après les registres.
La date indique l'entrée en fonctions.
1584. Claud Ouvrard, vicaire. — 1594. Guy, vicaire. — 1597. Jean Tousac, vicaire. — 1598. Degozauld, vicaire. — 1600. Delaborie, vicaire. — 1602. Guillaume Leroy, vicaire. 1605. Jean Leclerc, vicaire. — 1606. Delacoste, vicaire. — 1611. Jardin, vicaire. — 1613. Grellet, vicaire. — 1614. Pinault, vicaire. — 1616. Mathurin Girard, vicaire. — 1616. Léonard Desforges, curé. — 1636. Guillaume Giboury, vicaire. — 1641. de Mérignac, vicaire. — 1645. Guillaume Giboury, curé. — 1663. Claude du Bray, curé. 1665. — Pierre Dubois, curé. — 1672. Etienne de La Chassaigne, curé. — 1674. Bourilhon, vicaire. 1682. Jean Nouveau, curé. — 1684. Chesnaud, vicaire. 1685. Jean Venaud, curé 3. 1708. Jean Pinier, curé. — 1741. Marc-Antoine de La Martinière, curé. — 1753. Pierre Prévost du Las, curé. — 1768. Bitard-Lacombe, vicaire. — 1770. Thomas, vicaire. — 1771. De Prémont, vicaire. — 1774. Houmaux, vicaire. — 1775. Lousmeau-Dupont, vicaire. — 1777. Jean Guimard, curé. — 1791. Etienne Tiffon, curé constitutionnel.
Voici l'acte de baptême de l'ancienne cloche : « Le dix et huictiesme jour de febvrier mil six cent quarante et six, nostre cloche de Saint-Pierre de Vibrac a esté béniste par moy curé soubz signé, avec permission de Monseigneur l'évesque d'Angoulesme, présent les tesmoins soubz signés et autres. Ont esté parrein et marreine Jozias Mehée, escuyer, sieur de la Ferrière d'Anqueville et de la Courade de Vibrac, et damoyzelle Charlotte Laisné, veufve de François Le Musnier, escuyer, sieur de Lartige, de Ruffignac et autres lieux, conseiller et président de l'élection d'Angoulmois. Et ledit sieur parrein aagé le soixante ans anviron, et laditte damoyselle marreinne aagée de quattre vingt sept ou huict ans anviron, qui ont signé comme scosuit : J. Méhée, Charlote Laisné, Feuillet. Piffre, pbre assistant, Dexmyer. Roy. G. Giboury, curé de Vibrac. »
Source : Le château d'Ardenne et la seigneurie de Moulidars, de Gabriel Tricoire.